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6 façons dont les institutions de microfinance peuvent s'adapter à l'ère numérique

Un fermier kenyan et sa famille autour d'une tablette pour regarder une vidéo sur One Acre Fund. Photo de Hailey Tucker. Concours photos du CGAP 2017.

Avant de rejoindre le CGAP, j'ai appuyé pendant 10 ans des IMF en Amérique latine et en Afrique subsaharienne, souvent sur la mise en œuvre de stratégies digitales. J'ai vu beaucoup d'IMF faire face aux défis fondamentaux posés par la technologie numérique, et en retire de fait un certain nombre d'enseignements. Je retiens qu'il est fondamental d'avoir un objectif clair, de commencer petit, d'acquérir de l'expérience et de développer son entreprise numérique progressivement. Voici une feuille de route pour y parvenir.

Commencer avec un plan d'affaires

Il s'agit déjà de clarifier votre projet comprenant une solution numérique. J'ai vu de nombreuses IMF investir dans des réseaux de technologie ou d'agents sans avoir la moindre idée de la raison pour laquelle elles le faisaient ou d'un plan d'affaires pour les guider. Les solutions numériques peuvent réduire les coûts d'exploitation, aider à acquérir des clients et améliorer l'expérience client, mais se lancer dans une solution technologique montre aussi qu'elle augmente les coûts d'exploitation, à tel point que vous perdez de l'argent.

J'ai une fois vu une IMF en Amérique latine offrir un service de paiement de factures via des agents. Les clients étaient très satisfaits mais là était le problème. Pour chaque facture payée l'IMF perdait de l'argent parce que le coût du service était mal calculé et facturé au client. Plus le service est populaire plus l'IMF perd d'argent, sans aucun bénéfice pour ses activités principales de microfinance. Les IMF doivent définir clairement leurs objectifs commerciaux avant même d'investir dans la technologie. Développer un plan d'affaires et analyser tout service et son coût avant de le développer.

Des agents au lieu des agences

Les agents peuvent aider les IMF à être plus efficientes et à augmenter la portée de leur clientèle si ils sont bien gérées. Une publication récente de la Société Financière Internationale (SFI), basée sur son travail avec neuf IMF en Afrique, montre que le coût de traitement des transactions via les agents est 25% inférieur à celui des agences. Pourtant, la gestion d'un réseau d'agents peut toujours être coûteuse, il est donc important de le faire prudemment et de le développer lentement. La GSMA estime que les opérateurs de réseaux mobiles (ORM) payent en moyenne 54,4% du total des revenus de commissions d'agents sur les réseaux de téléphonie mobile matures. C'est une entreprise coûteuse à gérer. L'accent devrait être mis sur le recrutement d'agents actifs qui délivrent du volume plutôt que sur le renforcement des agents. C'est une erreur classique d'essayer de gagner des parts de marché en ouvrant autant d'agents que possible en même temps. Beaucoup de grands acteurs, y compris les banques, les ORM et les IMF, ont échoué en faisant cette erreur. Les agents introduisent de nouveaux risques pour les IMF, en particulier les risques opérationnels, et ceux-ci doivent être bien compris avant de passer à l'agent bancaire.

Investir dans une solution informatique flexible

Les systèmes informatiques représentent les plus grands coûts de la banque. Vous pouvez fermer une succursale relativement facilement, mais comme tous ceux qui ont vécu une migration de système informatique le savent, il est beaucoup plus difficile de changer de système informatique. La plupart des IMF ont des systèmes informatiques bricolés. Il est important d'investir dans un bon système informatique ayant la flexibilité de croître avec l'entreprise. Il existe de bonnes entreprises qui peuvent fournir des services utiles dans ce domaine, y compris des entreprises spécialisées dans les solutions technologiques pour les IMF.

Numériser les données futures, pas passées

De nombreuses IMF conservent des archives papier, disposant d'une quantité incroyable de données collectées. Bien que la numérisation de toutes ces données puisse être utile, elle peut aussi être écrasante. Plutôt que de numériser d'anciennes données, les IMF devraient investir dans des systèmes de gestion de données qui leur permettront de commencer à collecter des données futures. Déterminer comment structurer les données pour qu'elles soient utiles et trouver des moyens de collecter des données de manière efficace par voie électronique devrait être la priorité. La numérisation des anciennes données est accessoire.

Compte tenu des difficultés liées à la numérisation de leurs données, certaines IMF ont exploré la notation algorithmique de données tierces, telles que les enregistrements d'appels et les flux de médias sociaux. Je suggère que les IMF investissent déjà dans l'utilisation de leurs propres données avant d'explorer des sources de données tierces. Les données des IMF sont susceptibles d'être de meilleure qualité et plus prédictives, sans oublier qu'elles possèdent ces données et peuvent aindi les utiliser comme elles le souhaitent - pour l'instruction des crédits mais aussi pour mieux comprendre les clients. Les données représenteront de plus en plus un puissant moteur de l'offre de services financiers ; ainsi plus tôt les IMF se saisiront de cet enejeu, mieux ce sera.

 

Les IMF sont proches de leurs clients et connaissent leurs besoins, ce qui leur confèrent un avantage à long terme par rapport aux nouveaux concurrents numériques.

Etre centré sur le client

 

Comprendre les besoins de ses clients et construire ses produits et services numériques afin de les satisfaire. Pensez à cela non seulement en termes de services offerts, mais aussi sur la façon dont vous les proposez. La recherche montre qu'il existe un lien étroit entre la satisfaction du client et la performance de l'entreprise. Le Guide du CGAP Customer-Centric aborde certains des défis et opportunités auxquels sont confrontées les institutions financières. Rappelez-vous que l'un des avantages comparatifs de la microfinance est précisément que ce n'est pas un algorithme. Les IMF sont proches de leurs clients et connaissent leurs besoins, ce qui leur confèrent un avantage à long terme par rapport aux nouveaux concurrents numériques. Fait intéressant, une étude récente du CGAP sur le crédit numérique en Tanzanie a montré que deux tiers des emprunteurs de crédit numérique n'avaient pas réduit leur utilisation de prêts formels et que 60% des emprunteurs de crédit numérique interrogés utilisaient des prêts formels à des fins commerciales. Le crédit numérique n'est pas nécessairement un substitut à la microfinance.

Accéder au numérique grâce à des partenariats

Les IMF ne seront jamais des acteurs de paiements importants comme peuvent l'être les ORM et les banques, mais cela ne signifie pas qu'elles ne peuvent pas tirer parti de cette infrastructure numérique par le biais de partenariats. Les IMF ont deux choses que ces grandes organisations veulent : une licence et une base de clients. Il convient de rappeler que CBA, une petite banque commerciale au Kenya, est devenue la plus grande banque du pays en nombre de clients pratiquement du jour au lendemain grâce à son partenariat avec M-Pesa sur M-Shwari. Mais il convient également de rappeler que ces grands acteurs frappent rarement à la porte des IMF pour travailler avec eux. Et s'ils le font, ils négocieront par pur intérêt personnel. La plupart des IMF ne sont pas suffisamment outillées pour gérer ces négociations, il est donc important de rester informé sur l'écosystème et les tendances technologiques et commerciales du moment.

La microfinance a jusqu'à maintenant relativement bien réussi à servir les pauvres d'une manière socialement responsable mais elle doit s'adapter pour continuer à servir ses clients face à une concurrence nouvelle et très différente. Pour réussir, les IMF devront relever ce défi de front.

Ce blog a été initialement publié en anglais sur le site du CGAP.

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