Interopérabilité du mobile money : comprendre son fonctionnement, son évolution et les conditions de sa durabilité
L'interopérabilité renvoie à la capacité de connexion et de communication efficace et transparente de différents systèmes, dispositifs, applications ou produits entre eux. Ce concept est essentiel dans différents domaines, notamment les technologies de l'information, les soins de santé et les télécommunications, dans lesquels divers systèmes doivent échanger des données et communiquer les uns avec les autres sans obstacle.
Qu'est-ce que l'interopérabilité du mobile money ?
L'interopérabilité dans l'écosystème du mobile money comporte plusieurs dimensions (figure 1).
Figure 1 : dimensions de l'interopérabilité du mobile money
Dimension | Horizontale ou verticale | Description |
Interopérabilité des réseaux | Verticale | Tout service de mobile money peut être fourni sur le réseau de n'importe quel opérateur mobile. Ce principe n'est pas encore appliqué sur les marchés du mobile money. |
Interopérabilité des plateformes (interopérabilité de compte à compte (A2A)) | Horizontale | Les utilisateurs d'un service de mobile money peuvent effectuer des transferts ou des paiements vers un autre prestataire de mobile money. Il s'agit du type le plus courant d'interopérabilité du mobile money. Il fonctionne au niveau national ou transfrontalier, entre les différents services de mobile money ou avec d'autres prestataires de services financiers, tels que les banques. |
Interopérabilité des agents | Horizontale | Les agents peuvent servir les utilisateurs de plusieurs prestataires de mobile money à partir d'un seul float (encours) commun. Ce système diffère de celui des agents non-exclusifs, où un seul agent détient des comptes et encours distincts auprès de plusieurs prestataires de mobile money. |
Interopérabilité des commerçants | Verticale | Les utilisateurs peuvent payer un commerçant quel que soit le prestataire de mobile money dont dépend leur compte, sans avoir besoin de se soumettre à des démarches de vérification KYC complémentaires. Cette situation est rare sur les marchés du mobile money. |
Interopérabilité des données | Les deux | Les données et les informations générées par un prestataire de services peuvent être transférées et utilisées par d'autres prestataires. Cette pratique, encore peu répandue sur les marchés du mobile money, implique de porter une attention particulière à la protection des données des consommateurs. |
L'interopérabilité horizontale des plateformes (A2A) est le type d'interopérabilité le plus répandu dans le secteur du mobile money.
Elle comprend cinq éléments essentiels :
La connexion fait référence au mécanisme par lequel les prestataires de services financiers numériques (PSFN) s'interconnectent et échangent des informations.
Le règlement permet à l'argent « réel » de circuler entre les organisations participantes.
La gouvernance désigne la manière dont les participants à une solution d'interopérabilité prennent des décisions.
La tarification et le modèle économique déterminent la rentabilité et la durabilité d'une solution d'interopérabilité.
Enfin, les mécanismes de résolution des litiges permettent aux PSFN de parvenir à un consensus sur le statut d'une transaction et sur les responsabilités financières en cas de désaccord.
Ces composantes centrales peuvent donner lieu à différents modèles techniques d'interopérabilité. Dans le modèle bilatéral, les participants établissent, comme son nom l’indique, des connexions bilatérales. Ce modèle peut être étendu à plus de deux participants pour créer un accord multilatéral. Dans le modèle de l'agrégateur, un tiers déjà connecté à plusieurs acteurs de l'écosystème établit l'interopérabilité des paiements entre les participants. Le modèle de hub de mobile money exige des opérateurs de téléphonie mobile qu'ils mettent en place une entité centrale qui les relie à d'autres PSFN. Dans le modèle global de hub de paiement, c'est un opérateur non mobile qui met en place le hub. C’est le cas notamment dans les pays où le gouvernement exige des prestataires qu'ils se connectent à un commutateur national.
L'interopérabilité du mobile money est plus répandue que jamais
La croissance de l'interopérabilité du mobile money apparaît très clairement dans la courbe d’évolution des cas d'utilisation. Entre 2019 et 2023, la valeur des transactions de mobile à banque a été multipliée par cinq, celle des transactions de banque à mobile par trois et celle des transactions de personne à personne (P2P) hors réseau (entre portefeuilles de différents prestataires de mobile money ou transferts nationaux à des utilisateurs non enregistrés) par six (figure 2). En 2023, les prestataires de mobile money participant à l'enquête mondiale sur l'adoption des services de mobile money de la GSMA étaient connectés à 27 banques en moyenne, soit près de 50 % de plus que l'année précédente.
Figure 2 : Valeur des transactions mobile-banque, banque-mobile et P2P hors réseau dans le monde, 2019-2023
Pourquoi l'interopérabilité du mobile money est-elle importante ?
L'interopérabilité A2A est plus pratique pour les utilisateurs, car elle permet d’opérer des transactions vers des destinataires extérieurs au réseau de leur propre prestataire de mobile money. Avant l'introduction de l'interopérabilité A2A, les transferts P2P entre différents réseaux devaient s’effectuer soit à un guichet par le biais d’un agent (OTC), soit par un système de code envoyé par SMS permettant de retirer l’argent dans le réseau de l’expéditeur. Ces solutions étant moins pratiques pour les utilisateurs, elles peuvent favoriser l'utilisation d’espèces. L'interopérabilité A2A peut en outre permettre d’effectuer des transferts P2P plus rapides, plus abordables et plus sûrs.
L'interopérabilité sert également les objectifs des pouvoirs publics. Elle peut favoriser la mise en place d’économies numériques plus inclusives en élargissant l'accès aux comptes financiers et en améliorant la sécurité des fonds. Elle peut également renforcer l'efficacité des outils de politique monétaire grâce à une meilleure traçabilité des transactions financières.
L'essor de l'interopérabilité A2A a entraîné une augmentation de la part de fonds qui entrent et sortent de l'écosystème du mobile money par voie numérique plutôt que par le biais de conversions d'espèces. Si l'encaissement de dépôt d’espèces reste la principale source de fonds entrant dans l'écosystème du mobile money, les transferts de banque à mobile sont en train de rattraper leur retard (figure 3). En 2023, ils représentaient près d'un tiers de la valeur entrante. Davantage de fonds sortent de l'écosystème par le biais de transactions de mobile à banque, qui se montent à près de la moitié de la valeur sortante en 2023. Les flux numériques représentaient 60 % de la valeur totale des transactions de mobile money en 2023, contre 55 % en 2019.
Figure 3 : Montants des transactions de banque à mobile et de mobile à banque en proportion des flux entrant et sortant de l’écosystème de mobile money au niveau mondial, 2019 – 2023
Des résultats mitigés concernant l'impact de l'interopérabilité du mobile money sur l'inclusion financière
En 2024, la GSMA a publié un rapport étudiant l'effet de l'interopérabilité du mobile money sur l'inclusion financière au Ghana, au Kenya, au Malawi, au Rwanda et en Tanzanie. Le rapport présente l'évolution de l'adoption et de l'utilisation du mobile money dans le cadre de différents modèles d'interopérabilité. Au Kenya, l'interopérabilité conduite par le marché est devenue effective en 2018. Sur les quatre autres marchés, l'interopérabilité est désormais une exigence réglementaire via le commutateur national.
Sur quatre marchés, l'adoption du mobile money était déjà élevée avant la mise en œuvre de l'interopérabilité. Cela s'explique par le fait que les incitations à l'interopérabilité interviennent souvent une fois que le mobile money a atteint une certaine portée. Dans ce cas, l'inclusion financière précède l'interopérabilité, et non l'inverse.
Au Kenya, au Rwanda et en Tanzanie, les solutions d'interopérabilité conçues et mises en œuvre par les prestataires de mobile money se sont accompagnées d'une augmentation de l'adoption et de l'utilisation du mobile money (valeur moyenne des transactions plus élevée).
Dans le cas des systèmes d'interopérabilité reposant sur des commutateurs nationaux, l’impact sur l'inclusion financière reste incertain. Il faudra plus de temps pour déterminer si les commutateurs nationaux au Rwanda (eKash) et en Tanzanie (TIPS) ont eu une incidence sur l'adoption et l'utilisation du mobile money. Les données du Ghana et du Malawi sur le rôle des commutateurs nationaux ne sont pas concluantes.
Les organisations qui optent pour l'interopérabilité le font pour élargir leur clientèle, augmenter le rendement de produits existants ou de nouveaux produits, et accroître la valeur offerte aux clients grâce à une plateforme plus pratique et plus efficace. Au Kenya et en Tanzanie, cela s'est produit une fois que le mobile money avait atteint une échelle suffisante.
Les pouvoirs publics encouragent souvent l'interopérabilité pour stimuler la concurrence, mais cela suppose des arbitrages. L'interopérabilité peut augmenter les coûts des participants, décourager l'innovation et réduire la différenciation des produits sur des marchés dynamiques et en évolution rapide.
Les décideurs politiques doivent prendre en compte les dynamiques spécifiques du marché avant d'intervenir, notamment pour bien choisir le moment de mise en œuvre. Imposer l'interopérabilité obligatoire trop tôt peut conduire à un échec de la réglementation et ralentir le développement du marché et de la technologie.
L'interopérabilité du mobile money est-elle viable pour les prestataires ?
Une autre étude de la GSMA réalisée en 2024 s'est penchée sur la viabilité commerciale des initiatives d'interopérabilité pour les prestataires. Elle a mis en évidence les avantages et les défis dans trois pays (figure 4).
Figure 4 : Avantages et défis de l'interopérabilité du mobile money pour les prestataires
Pays | Avantages commerciaux de l'interopérabilité | Défis commerciaux liés à l'interopérabilité |
Ghana | L'interopérabilité a favorisé l'augmentation des transactions. Structure et gamme de prix communes : le modèle « destinataire-payeur » a été choisi parce que les paiements interopérables vont principalement des petits prestataires d'envoi vers les plus grands. | Les échecs de transaction affectent la fiabilité et la confiance dans le système. En raison de l'absence de consensus, les prestataires de mobile money préfèrent les connexions bilatérales (par ex. pour le paiement des commerçants). |
Jordanie | Pour promouvoir le hub, la banque centrale a introduit une période de grâce de deux ans pour l'intégration des nouveaux prestataires. L'interopérabilité permet aux prestataires de mobile money d'atteindre une clientèle plus large et constitue une base pour des revenus alternatifs. L'interopérabilité a stimulé les transactions. Les prestataires de services de mobile money ont contribué aux discussions sur les règles commerciales et les frais. Ils ont élargi les cas d'utilisation pour inclure le crédit et les envois de fonds internationaux, créant ainsi de nouvelles sources de revenus. | Parvenir à un consensus et établir des règles entre les participants à l'interopérabilité prend beaucoup de temps. Les frais de changement de prestataire récemment introduits pèsent sur les revenus des prestataires. Les prestataires de mobile money ont été confrontés à des problèmes techniques au début de l'interopérabilité, mais des accords de niveau de service (SLA) clairs les ont aidés. Les prestataires de mobile money pourraient avoir à supporter des coûts liés aux mises à jour techniques et à la mise en conformité avec les normes. |
Tanzanie | L'interopérabilité, notamment via la plateforme TIPS, a permis aux prestataires d'argent mobile d'atteindre un plus grand nombre de clients et de faciliter divers types de transactions, y compris les transactions transfrontalières. Pour l'un d'entre eux, les transactions P2P on-net (intra-réseau) ont été multipliées par sept au cours de la première année d'interopérabilité. | Le système TIPS peut poser des problèmes de rentabilité dans la mesure où la tarification peut être fixée par les régulateurs. L'accord d'interchange P2P a pris un an, quant à l'interchange des paiements marchands, il n'était pas réglé à la fin de l'année 2023. |
Sur les marchés matures, l'interopérabilité est un outil stratégique de développement et de partenariat plutôt qu'une source directe de revenus.
L'interopérabilité A2A du mobile money comprend un ensemble de composantes essentielles qui peuvent donner lieu à différents types de modèles. Elle s'est considérablement développée et a favorisé la dématérialisation des transactions en espèces. L'interopérabilité du mobile money offre une certaine commodité aux utilisateurs et peut servir les objectifs des pouvoirs publics. Cependant, son impact sur l'inclusion financière n’est pas clairement démontré, et il est recommandé aux pouvoir publics de bien considérer les arbitrages potentiels et les dynamiques de marché spécifiques avant d'imposer une interopérabilité obligatoire.
Globalement, l'interopérabilité du mobile money peut offrir de nombreux avantages aux parties prenantes. Pour assurer sa réussite sur le long terme, elle doit fonctionner pour tous les prestataires de services. Les solutions techniques doivent comporter de multiples points de redondance afin d'éviter les pannes totales du système en cas de perturbations opérationnelles. La mise en œuvre de redondances, qui peut consister par exemple à maintenir l'interopérabilité bilatérale tout en déployant des commutateurs nationaux, peut améliorer la résilience du système et garantir la continuité de la prestation des services. Dans la mesure du possible, l'interopérabilité doit utiliser l'infrastructure existante pour minimiser les coûts. Sa tarification doit être durable, et les prestataires de mobile money doivent participer au processus de décision lorsque les solutions d'interopérabilité sont centralisées.
Pour en savoir plus sur les travaux du programme GSMA Mobile Money sur l'interopérabilité, cliquez ici. Le rapport annuel sur l'état du secteur du mobile money comprend des données et des analyses sur les transactions interopérables.
Au finish, l'interoperabilite a un impact positif sur l'expérience client et les chiffres publiés le demontrent. J'aurais souhaité que vous puissiez ressortir le taux d'activité et d'enregistrement avant la mise en œuvre de l'interoperabilite et l'après.
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