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Rapport SIIPS 2024 : vers une Afrique plus connectée et inclusive

Une femme remplit un formulaire chez Baobab au Sénégal.

 L’inclusion financière n’est pas une fin en soi mais un parcours nécessaire pour un développement économique et social durable. À ce jour, plus de 400 millions d’adultes africains demeurent exclus des systèmes financiers formels. Cependant, le développement des technologies mobiles sur le continent, depuis le lancement de M-PESA au Kenya en 2007, et l’essor des services financiers numériques en Afrique, particulièrement le mobile money, ont démontré que cette inclusion financière n’est plus un défi insurmontable. D’après le GSMA, en 2023, plus de 234 millions de comptes mobile money étaient actifs à 30 jours en Afrique Sub-Saharienne avec 156 services en activité dans la région. L’essor du mobile money en Afrique a non seulement facilité l’accès aux services financiers, avec plus de 33% des adultes disposant d’un portefeuille mobile en Afrique Sub-Saharienne selon le Findex 2021, mais a aussi favorisé l’émergence de nouveaux acteurs tels que les fintechs dans l’écosystème des services financiers. Cette dynamique d’innovation se poursuit avec la nécessité croissante d’investir, aux niveaux national et régional, dans des Infrastructures Publiques Numériques pour assurer une transformation digitale inclusive. 

L’état des lieux des systèmes de paiement instantanés (SPI) en Afrique 

Le dernier rapport d’AfricaNenda Foundation, qui porte sur l’état des lieux des systèmes de paiement instantané inclusifs (SIIPS) en Afrique en 2024, recense 31 SPI en activité: 28 au niveau national et trois SPI régionaux. La répartition géographique est assez équilibrée avec huit SPI nationaux en Afrique australe, sept en Afrique de l’Est, six en Afrique de l’Ouest, cinq en Afrique du Nord et deux dans l’Océan Indien.  Entre 2023 et 2024, deux nouveaux SPI ont vu le jour : KWIK en Angola et LESWITCH au Lesotho. Par ailleurs, 14 SPI multisectoriels, favorisant l’interopérabilité des paiements entre comptes bancaires et portefeuilles mobiles, sont opérationnels. En Angola, au Malawi, au Zimbabwe et dans la région CEMAC, les régulateurs ont imposé l’interopérabilité de tous les systèmes de paiement numériques. Néanmoins il reste encore du chemin pour que cela devienne une norme sur le continent. 

Carte des SPI en Afrique.

Sur le plan régional, aucun nouveau SPI n’a vu le jour depuis 2023.  Les trois SPI régionaux en activité demeurent GIMACPAY en Afrique centrale, TCIB dans la zone de la SADC et PAPSS à l’échelle continentale. Toutefois, 25 pays prévoient des investissements dans des projets de développement de SPI à moyen et long terme et quatre projets de SPI régionaux sont en cours dont le SPI de la zone UEMOA, actuellement en phase pilote. Si ces projets aboutissent, tous les pays africains auront accès à un SPI national à l’exception de l’Érythrée, qui ne s’est pas encore prononcée.

Des performances en nette progression 

Les SPI ont connu une accélération de leurs volumes de transactions en 2023, avec un total de 49 milliards de transactions, soit une croissance de 47 % par rapport à l’année précédente. La valeur totale des transactions a dépassé 1 000 milliards de dollars US. Entre 2020 et 2023, la valeur des transactions des SPI a progressé de 273 %. 

Performance des SPI

Les SPI d'argent mobile enregistrent le plus grand volume de transactions, tandis que les SPI multisectoriels traitent les valeurs les plus importantes. Ces derniers ont vu leurs valeurs croître de 63 % entre 2022 et 2023, contre 28 % pour les systèmes bancaires et 16 % pour les SPI d'argent mobile.

En termes de montants, la valeur moyenne par transaction des SPI d’argent mobile s’élève à12 $ US, ce qui traduit leur usage pour des achats quotidiens. Les SPI multisectoriels, en revanche, gèrent désormais des transactions moyennes de 46 $ US, contre  237$ US pour les systèmes bancaires. Cette évolution indique que les SPI multisectoriels prennent de plus en plus en charge des paiements haute fréquence de faible valeur. Néanmoins, l'accès aux données transactionnelles des SPI demeure un défi : nous n’avons pu collecter des informations que pour 23 SPI sur 31.

Des changements notoires dans l’écosystème des SPI en Afrique

Selon le rapport de GSMA sur l’économie mobile, le taux d’adoption des smartphones en Afrique subsaharienne devrait atteindre 86% en 2030 contre 55% en 2023. Cette dynamique influence également le développement des SPI. En effet, depuis 2023, les applications mobiles ont dépassé l'USSD en tant que canal le plus largement pris en charge par les SPI sur le continent Africain : au moins 30 SPI les prennent en charge contre 23 pour l’USSD. Bien que 23 SPI permettent des solutions de paiement USSD, certains pays ont activement choisi de ne pas les prendre en charge, estimant que les smartphones sont suffisamment répandus et en passe de le devenir davantage. IPN (Égypte), MauCAS (Maurice) et le mobile money tunisien en sont des exemples. 

 

Usage des SPI.

En termes de proposition de valeur pour concurrencer l’économie du cash, il reste du chemin à parcourir. Les 31 SPI en activité répondent bien aux besoins des utilisateurs finaux pour des cas d'utilisation personne-à-personne (P2P) rapides et pratiques. Les cas d'utilisation de paiement marchand (P2M) sont également en augmentation, désormais pris en charge par 24 systèmes. 19 systèmes prennent en charge les paiements de factures (P2B/P2G). Cependant, les paiements de gouvernement à personne (G2P, paiements sociaux) ne sont actuellement pris en charge que par les SPI au Ghana, à Madagascar, au Maroc, au Nigéria et en Ouganda. Une lacune qui doit être comblée sur le continent compte tenu du potentiel qu’offre la digitalisation des paiements sociaux pour toucher les populations les plus vulnérables, souvent   exclues des  systèmes financiers formels.

En matière de technologie, la marche vers l’adoption de standard globaux continue. 12 SPI utilisent la norme ISO20022 pour la transmission des messages de transactions. Les API sont de plus en plus adoptés, actuellement déployées par 25 SPI sur 31 :  les API ouvertes permettent aux  acteurs non bancaires d'accéder aux SPI. Les pseudonymes ou identités proxy sont des identités numériques qui permettent aux utilisateurs finaux d'identifier le destinataire de la transaction sans avoir besoin de connaître ses informations bancaires. Les numéros de téléphone mobile constituent un identifiant proxy de plus en plus populaire, utilisé par 24 SPI.

Et l’inclusivité des SPI, ou en sommes-nous ?

 L’inclusivité n’est pas la responsabilité d’un seul acteur au sein d’un SPI, mais plutôt une responsabilité partagée entre les acteurs de l’écosystème : opérateurs de SPI, fournisseurs de services, régulateurs, entre autres. L’inclusivité des SPI s’est amélioré en 2024 à Maurice, au Nigéria, en Tanzanie et au Zimbabwé. Neuf 9 SPI (contre cinq l’année précédente), couvrant 13 pays, ont atteint un niveau d'inclusivité avancé. 

Ces SPI remplissent les critères de base et :

  1. Permettent à tous les fournisseurs de services agréés par le SPI d'utiliser le système et garantissent l'interopérabilité entre eux.

  2. S’engagent dans une gouvernance favorable aux populations vulnérables grâce à une prise de décision conjointe.

  3. Incluent la banque centrale dans la gouvernance. 

Inclusivité des SPI.

Quant à l’évolution future de l’inclusivité au sein des SPI, nous restons optimistes à AfricaNenda Foundation. Nous continuons de travailler avec les pays et les régulateurs en fournissant une assistance technique pour accélérer l’évolution des SPI existants vers des modèles plus inclusifs, tout en aidant les SPI en développement à intégrer ces piliers dès leur conception. 

Les recherches pour le rapport SIIPS 2025 ont démarré  ce mois de mars 2025. Nous sollicitons la participation de tous les opérateurs de SPI et banques centrales du continent africain afin de contribuer activement aux partages de données et d’informations sur les SPI en activité et en développement. Cette collaboration nous permettra de poursuivre notre mission de transparence et de diffusion des connaissances sur le déploiement des SPI.

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