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Innovations pour la résilience climatique : comment accompagner les agriculteurs d'Afrique de l'Ouest ?

Des agriculteurs font une récolte au Kenya.

Le changement climatique impose des défis croissants aux agriculteurs, affectant la productivité et menaçant la sécurité alimentaire mondiale. Pour faire face à ces enjeux, l'adoption d'innovations technologiques et de pratiques agricoles durables est essentielle.

Face à cette problématique, le 27 mars 2025, le Portail FinDev et MicroSave Consulting ont organisé un webinaire intitulé : "Quelles innovations pour renforcer la résilience des agriculteurs face aux défis climatiques ?"

Sous la modération d’Élisabeth Kibitek, trois experts ont partagé leurs analyses et leurs solutions, avec un focus tourné vers l'Afrique de l'Ouest.

L’urgence climatique touche particulièrement les agriculteurs

L’Afrique se réchauffe 50% plus vite que le reste du globe. Ce changement climatique, qui se caractérise non seulement par une hausse des températures moyennes, mais aussi par des sécheresses récurrentes, des inondations, la croissance des populations de ravageurs, la variabilité accrue des saisons, la dégradation des sols, a des impacts considérables sur l'agriculture, la biodiversité, les moyens de subsistance, mais aussi la sécurité alimentaire. D’après le Global Center for Adaptation, une augmentation de 1,5% par an des températures mondiales est envisagée d'ici 2030, ce qui pourrait réduire la production agricole de 2% par an.

Les petits exploitants agricoles, pourtant piliers de la production alimentaire régionale, sont parmi les plus vulnérables, appelant à un engagement collectif en faveur d'innovations adaptées, accessibles et durables.

Soutenir la productivité agricole : la vision de la FAO

Selon Massimo Pera, responsable principal des agro-entreprises à la FAO, les agriculteurs sont résilients par nature. En effet, ils sont confrontés à de nombreux risques et font preuve d’une grande capacité d’adaptation face aux aléas. 

Les petits agriculteurs d’Afrique de l’Ouest sont confrontés à des défis spécifiques : 

  • Le manque d'offres de services financiers et un très faible accès aux services financiers. Cela limite l'accès aux entrants améliorés, fertilisants et limite l’augmentation des rendements.
  • Les risque de production, qui sont liés aux catastrophes climatiques et au changement climatique.
  • La volatilité des prix sur les marchés internationaux et celle liée aux changements politiques.
  • Le manque d’infrastructures : internet, réseaux téléphoniques, accès au marché. 

Massimo Pera a insisté sur la durabilité des stratégies mises en place. Pour lui, il est crucial de bâtir des chaînes de valeur agricoles durables, qui intègrent l’innovation tout en respectant les réalités locales.

Ce dernier a également mis l’accent sur l’importance d’impliquer les petits exploitants agricoles dès les premières étapes de conception des produits d’assurance ou des services financiers numériques. Il est en effet essentiel qu’ils puissent comprendre ces outils et sachent les utiliser.

Il a souligné la nécessité d’une éducation financière adaptée, ainsi que l’importance des pilotes avec les communautés locales. En effet, dans de nombreux pays, il a observé que l’introduction de produits numériques innovants, bien que prometteurs, pouvait paradoxalement renforcer l’exclusion et renforcer la fracture numérique lorsque les bénéficiaires potentiels ne sont pas préparés ou équipés pour les utiliser.

Massimo Pera a recommandé d’introduire ces solutions de façon progressive et subventionnée au départ, permettant aux agriculteurs d’y accéder sans risque financier immédiat. L’objectif à long terme serait qu’ils deviennent clients autonomes de ces services, comme cela se fait avec les semences améliorées, et qu’ils puissent ensuite accéder durablement aux institutions financières ou aux services de microfinance.

InsurTech : l'assurance climatique pour les petits exploitants

Manon Loison, consultante chez IBISA, a présenté des solutions innovantes en matière d'assurance agricole. IBISA est une plateforme technologique basée sur de l’assurance climatique qui conçoit et gère des produits d’assurance paramétrique abordables, en utilisant les données satellites qui permettent d’assurer les populations vulnérables face au risque climatique. IBISA offre des produits qui sont vraiment adaptés aux différents risques climatiques, donc les typhons, les sécheresses, les excès de pluie et le stress thermique

Grâce aux technologies satellitaires et aux modèles d’assurance indexée, il est désormais possible de :

  • Déclencher automatiquement les indemnisations en fonction des conditions climatiques (pluviométrie, sécheresse, etc.), permettant ainsi aux agriculteurs de continuer leurs activités.
  • Réduire les coûts de souscription et d’indemnisation en collaborant avec les assureurs.
  • Proposer des produits accessibles aux petits producteurs en transformant l’assurance en un produit agile, inclusif et abordable.

Manon Loison a partagé l'expérience d'IBISA au Sénégal, où IBISA collabore avec le réseau RBM, un réseau d’éleveurs pastoralistes. Elle a souligné l’importance de bien comprendre les réalités du terrain pour adapter les solutions proposées. L’un des principaux défis rencontrés par IBISA est le passage à l’échelle : il s’agit de faciliter l’adoption massive des produits d’assurance par un plus grand nombre d’agriculteurs et d’éleveurs afin de générer un impact réel sur le terrain.

Elle a notamment insisté sur la nécessité de stratégies de sensibilisation et de pédagogie sur les thématiques d’assurance, en particulier l’assurance paramétrique. Pour y arriver, IBISA mobilise du temps et des ressources à travers des réunions locales et la production de vidéos éducatives.

Financer l'innovation : l'approche d’Agrikalpay

Pascal Simon, Directeur d’Amarante Consulting et fondateur d’AgrikalPay, a mis en avant le rôle clé du financement rural. Agrikalpay est un porte-monnaie électronique destiné aux agriculteurs, qui opère au Bénin dans la chaîne de valeur de l’ananas. Cette solution agritech utilise des technologies avancées telles que l’intelligence artificielle, la blockchain ou encore le suivi satellitaire. 

Pascal Simon a expliqué comment AgrikalPay :

  • Sécurise et accélère les transactions agricoles pour les agriculteurs, et ainsi facilite l’accès aux intrants agricoles, numérise les paiements et favorise l’épargne à terme.
  • Permet aux agriculteurs de recevoir leurs paiements rapidement et sans avoir à parcourir de longues distances pour aller encaisser des chèques
  • Renforce la confiance des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement en assurant la fiabilité et la transparence des transactions entre les agriculteurs et les industriels
  • Développe des produits financiers adaptés aux cycles saisonniers

Selon lui, investir dans l’innovation financière permettra de libérer le potentiel des petits agriculteurs et d’augmenter leur résilience.

Vers une approche intégrée ? 

Les changements climatiques sont une réalité, tout comme les risques qu’ils engendrent, et les petits agriculteurs d’Afrique de l’Ouest en ressentent déjà les effets de manière concrète. 

Cependant, comme l’a souligné Elisabeth Kibitek, il existe des motifs d’espoir, grâce à la mise en œuvre d’initiatives prometteuses dans la sous-région. Ces actions sont portées aussi bien par des entreprises privées, que par des partenariats public-privé ou des organisations internationales.

Le soutien à la résilience des petits agriculteurs passe par une combinaison de plusieurs approches complémentaires 

  • Approche locale : les solutions doivent être adaptées au contexte spécifique de chaque communauté agricole.
  • Soutien institutionnel et public : une régulation adaptée et des investissements publics sont nécessaires pour créer un écosystème favorable.
  • Collaboration multi-acteurs : ONG, entreprises privées, gouvernements et bailleurs doivent unir leurs forces.
  • Durabilité : donner des services financiers plus adaptés aux besoins et aux nécessités et à la saisonnalité des producteurs agricoles en Afrique
  • Technologie : développement et usage des technologies, telles que l’agriculture de précision.
  • Services financiers : la mise en place de services financiers adaptés, incluant la micro-assurance climatique, comme celle proposée par IBISA, ainsi que les financements verts. 

Selon Elisabeth Kibitek, la voie la plus prometteuse réside dans une approche intégrée, combinant technologie, finance inclusive et organisation sociale. 

Pour aller plus loin, visionnez le webinaire dans son intégralité en cliquant ici.

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