Interview FinDev

Des services financiers numériques au service des cultivateurs de cacao et de la scolarité de leurs enfants

Comment Advans Côte d'Ivoire a remporté le Prix Européen de la Microfinance ?
Advans Côte d'Ivoire, lauréat du Prix Européen de la Microfinance. Crédit photo : e_MFP.

Advans Côte d'Ivoire a remporté le Prix européen de la microfinance 2018. Ce Prix a distingué un prestataire de services financiers utilisant en toute transparence et sécurité les technologies, d’une part, pour proposer, aux clients de nouvelles possibilités d’emprunt, d’épargne, d’assurance et de transfert de fonds ; d’autre part, pour assurer en back-office l’efficacité de ses procédures.​ Les solutions technologiques proposées par Advans Côte d’Ivoire visent les cultivateurs de cacao et la scolarité de leurs enfants. Albert Sie Dah​, Responsable Exploitation Agricole, a répondu aux questions de Portail FinDev.

FinDev : Pouvez-vous nous parler de votre institution, de sa mission et des clients qu’elle sert ?

Albert : Advans Cote d’Ivoire est une institution de microfinance qui a ouvert ses portes à Abidjan en Côte d’Ivoire en 2012. Notre mission est de répondre aux besoins de services financiers des petites entreprises et autres agents économiques qui ont un accès limité ou inadapté au système bancaire traditionnel. A terme, à travers nos services financiers, nous espérons contribuer à la croissance des entreprises locales et au renforcement du secteur privé, et ainsi promouvoir le développement économique et social dans le pays. En ce qui concerne nos clients entrepreneurs, ils ont des profils très variés, nous ciblons par exemple les petits producteurs de cacao qui ont besoin d’un crédit de 200 EUR pour acheter des intrants mais aussi des PME dans le domaine du transport qui empruntent 200 000 euros pour développer leur flotte. Nous avons une large gamme de services financiers, dont les crédits, comptes, épargne, assurance, transactions etc. afin de pouvoir répondre aux besoins professionnels et personnels de nos clients, et plusieurs canaux afin de leur offrir un service de proximité.

FinDev : Votre institution financière vient de remporter le Prix Européen de la Microfinance pour les solutions technologiques qu’elles proposent et visent les cultivateurs de cacao et la scolarité de leurs enfants. Pouvez-vous nous décrire ces produits ? En quoi ont-ils répondu aux besoins de ces cibles ? 

Albert : Oui, nous sommes très fiers d’avoir gagné le prix ! La solution technologique en question donne aux coopératives et aux producteurs de cacao accès à un service bancaire à distance, sur un téléphone mobile basique, grâce à la technologie USSD. Les coopératives peuvent payer leurs producteurs sous la forme d’un transfert digital instantané. Les producteurs ont accès à un compte d’épargne, peuvent retirer ou déposer de l’argent par l’intermédiaire d’agents MTN Money, et emprunter pour financer l’éducation de leurs enfants via un crédit digital instantané. Cette solution répond à plusieurs besoins client. D’abord du côté des coopératives faire des transferts digitaux au lieu de payer les producteurs en espèces améliore la sécurité, parce qu’il y a un fort risque de braquage dans ces zones, et augmente la traçabilité. Pour les producteurs, qui sont très vulnérables aux évènements imprévus, le service les encourage à épargner pendant la récolte pour avoir de l’argent pendant la période de soudure et leur offre accès à un crédit scolaire pour envoyer leurs enfants à l’école à temps et ne pas attendre les récoltes d’octobre.

Clients et agent de crédit d'Advans Côte d'Ivoire. Crédit photo : Advans Group.

FinDev : Selon vous, sur quels éléments repose le succès de ces deux produits (produits d’épargne et de crédit) ? Quels types de partenariats avez-vous mis en place ?

Albert : Le facteur clé de succès est que le service prend en compte les besoins de nos clients et leur quotidien. Nous avons travaillé à une inclusion financière effective des producteurs de cacao avec des partenaires pour mieux répondre à leurs besoins. Premièrement, les coopératives : la moitié des producteurs avaient déjà eu une mauvaise expérience avec une institution financière, donc étaient assez méfiants vis-à-vis des IMF. La relation que nous avions créée avec les coopératives à travers nos produits de crédit intrant et camion, nous a permis de promouvoir le service mobile via les coopératives, pour gagner la confiance des producteurs. Deuxièmement, nous avons basé notre approche sur un partenariat avec MTN : grâce à MTN nous avons pu offrir des transferts de compte à porte-monnaie électronique et vice versa gratuitement, avec des frais de compte annuels à moins de 4 EUR. Cela permet aux producteurs qui ont très peu d’argent de ne pas payer de frais supplémentaires. Finalement, ce projet n’aurait pas été possible sans les ressources et l’expertise que nous avons reçues de CGAP, Incofin, Mondelez, IDH, le Conseil Café Cacao et WSBI.

FinDev : Même si la technologie permet de réduire significativement les coûts et d'améliorer la qualité des services offerts, elle reste encore embryonnaire. Quels sont selon vous les principaux défis auxquels Advans Côte d’Ivoire a été confronté pour favoriser l'adoption des technologies numériques ?

Albert : Un des défis que nous avons rencontré est celui du faible niveau d’éducation des producteurs de cacao : 47% de ceux avec qui nous travaillons sont analphabètes. Nous nous sommes rendu compte assez rapidement que le « 100% digital » n’était pas la solution optimale pour créer une relation forte et durable avec ces clients, surtout dans un contexte de bancarisation faible. C’est pour cela que nous avons promu le service à travers les coopératives et la raison pour laquelle nous avons mis en place une équipe d’agents d’inclusion financière en 2017 afin de sensibiliser, former et guider les agriculteurs dans leurs premiers pas vers la finance digitale. Les agents se rendent chaque jour dans les villages à la rencontre des producteurs. 98% des clients connaissent le numéro de téléphone de leur agent et nous travaillons aujourd’hui sur l’amélioration de nos outils de formation. Nous pensons donc qu’une approche technologique doit être accompagnée d’une approche humaine : c’est un enjeu de responsabilité sociale qui doit permettre de maximiser l’inclusion financière des populations visées à long terme.

FinDev : Comment Advans Côte d’Ivoire pense-t-il utiliser les fonds alloués par le Prix européen de la microfinance ?

Albert : Nous voulons utiliser les fonds pour continuer à promouvoir la bancarisation des populations isolées, non ou peu bancarisées en Côte d’Ivoire ou dans d’autres pays de notre réseau. Nous avons trois idées principales pour l’utilisation du prix, qui ont d’ailleurs motivé notre candidature : conduire une étude d’impact sur les effets de notre programme sur les conditions de vie des producteurs de cacao pour établir comment le service d’épargne et les crédits scolaires ont contribué à renforcer leur stabilité financière ; soutenir les autres filiales du groupe Advans qui souhaiteraient reproduire le projet Advans CI dans leur pays, grâce à des missions d’échange ou d’accompagnement technique ; enfin, organiser un séminaire de formation à l’attention de toutes les filiales du Groupe pour partager notre expérience et  leur donner les ressources nécessaires pour initier et mener des projets similaires avec succès. Toutes les actions que nous mènerons continueront à être centrées sur nos clients et sur la recherche de solutions innovantes pour faire progresser l’inclusion financière.

Vidéo sur les solutions technologiques proposées par Advans Côte d'ivoire

 

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