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Associations professionnelles de microfinance : un bon point d’entrée pour le soutien au secteur

Expériences et points de vue d’acteurs sur l’appui aux AP (1)
Les associations et réseaux d’institutions de microfinance existent dans quasiment tous les pays où l’offre de microfinance a atteint un certain niveau. Quelle que soit leur forme, regroupement volontaire d’abord informel ou structure promue par la réglementation, leur objectif global est de contribuer au développement du secteur. Leur position et leur mandat en font des partenaires privilégiés pour promouvoir la microfinance, car ils permettent un effet de levier précieux. Mais pour une AP, assurer sa pérennité n’est pas simple. Quels sont les besoins d’appui des AP, les expériences existantes, comment mesurer leur performance ?... En deux articles, le Portail propose quelques réponses à travers des contributions d’acteurs et premiers enseignements.
 
Aujourd’hui le premier article est consacré au rôle des associations professionnelles et réseaux (AP) et aux principaux défis qu’elles rencontrent. Nous profitons de l’expérience et de l’éclairage d’ADA sur le soutien à ces structures.
 
Pourquoi cibler les AP dans les efforts de renforcement du secteur ?
 
Représentation des intérêts communs, promotion de la microfinance au plan national voire international, services aux membres, gestion des connaissances, les attributions des associations en font, en tout cas en théorie, un partenaire idéal pour ceux qui veulent faire avancer la microfinance. De fait, les associations sont de plus en plus considérées comme un point d’entrée essentiel pour l’appui au secteur.
 
« Les associations constituent un point d’entrée crucial dans le secteur de la microfinance et un outil fort utile pour l’influencer. Les réseaux de microfinance ont en effet la capacité de contribuer à la mise en place d’un environnement politique favorable, d’améliorer l’efficience et l’efficacité de leurs IMF membres, de promouvoir des standards de performance et de contribuer à la croissance du secteur… » 
Diana Dezso, Directrice de programme chez SEEP Network (ADA, 2010)
 
Cependant leur tâche n’est pas facile. Les AP doivent relever deux défis de taille, intimement liés : conserver leur pertinence et assurer leur financement à long terme. Toutes n’y parviennent pas et la plupart ont besoin d’un appui extérieur, le plus souvent dans les premières années de leur existence.
 
Le rôle des associations dans la croissance du secteur de la microfinance
 
Pour Diana Dezso, les associations de microfinance jouent deux rôles prépondérants dans la stimulation de la croissance du secteur :
 
- d’abord elles rassemblent les IMF dans un pays ou une région, et leurs permettent de tirer des enseignements de leur observation mutuelle et de définir des objectifs communs.  Un but recherché est le renforcement des compétences et l’harmonisation des pratiques. La certification et  l’innovation peuvent aussi être promues par leur biais.
 
- ensuite elles représentent leurs membres auprès des autres acteurs de l’économie locale qui ont une influence sur la croissance des institutions de microfinance : gouvernement, bailleurs de fonds, investisseurs et banques notamment. Contribuer à la mise en place d’une réglementation favorable et servir de relais d’information pour les bailleurs de fonds et investisseurs sont deux des tâches importantes pour le développement du secteur.
Source : Unies pour promouvoir leurs intérêts communs, ADA, 2010
 
Pérennité et pertinence : deux défis majeurs pour les AP
 
Pour remplir efficacement son rôle, une association doit assurer sa pérennité organisationnelle et financière. La pérennité organisationnelle renvoie en premier lieu à la bonne gouvernance de la structure et à la pertinence de ses activités et services. La pérennité financière est étroitement associée à la première, puisque c’est en maintenant sa pertinence et son utilité que l’association aura le plus de chances de sécuriser ses revenus et sources de financement.
 
Concernant la gouvernance, l’expérience de l’Association de microfinance du Cambodge (CMA) relatée par sa secrétaire générale dans la publication « Unies pour promouvoir leurs intérêts communs », montre l’importance de l’implication des membres et d’une structuration claire qui définit les niveaux de responsabilité.
 
« On peut définir la gouvernance comme le socle à partir duquel les décisions sont prises mais également à partir duquel les décisions prises sont mises en œuvre. » Sophea Hoy, secrétaire générale de CMA (Cambodge)
 
Structure possédant une vision et une mission explicites, constituée d’une assemblée générale, d’un conseil d’administration, d’un secrétariat général et de plusieurs comités, CMA estime qu’une de ses plus grandes réussites est d’avoir su répondre aux défis posés par la diversité de ses membres. Cette réussite repose en particulier sur l’organisation d’un atelier annuel sur la concurrence saine, auquel participent les IMF membres mais aussi certains législateurs et des banques. A l’issue de cet atelier, les participants adoptent une vision commune à la fois sur la stratégie de CMA, mais aussi sur le secteur cambodgien de la microfinance dans son ensemble.
 
La pertinence renvoie à la capacité de servir ses membres et de promouvoir le secteur en s’adaptant continuellement à l’évolution du contexte et des besoins.
 
« Les réseaux et associations ne sont pas tous en mesure d’exercer l’influence souhaitée, certains perdent de leur importance à mesure que d’autres prennent le dessus ou que leurs capacités à répondre aux besoins croissants et changeants des parties prenantes se réduisent. » Nina Nayar, consultante en microfinance.
 
Dans son article « Assurer sa stabilité et conserver sa pertinence », Nina Nayar expose les stratégies qui permettent aux associations et réseaux de microfinance de conserver leur pertinence au fil du temps et d’atteindre de nouveaux objectifs.  En s’appuyant sur de nombreux exemples, elle met notamment en avant l’importance de :
  • adopter une approche consultative dans la prise de décisions et la planification ;
  • renoncer à la prestation de services directs quand la tâche est trop étendue, pour se concentrer sur la coordination de services d’experts et la collaboration avec des organisations d’appui ;
  • développer des mécanismes permettant de rassembler les connaissances, de se maintenir informé et se positionner en diffuseur incontournable de ces connaissances ;
  • construire des alliances tactiques pour dialoguer avec d’autres acteurs et maintenir un pouvoir d’influence sur leurs politiques et pratiques ;
  • établir un code éthique commun démontrant un degré de maturité suffisant pour surmonter les divergences et maintenir le cap sur des valeurs communes.
L’expérience d’ADA : une approche régionale d’appui aux associations et réseaux de microfinance
 
ADA soutient les associations professionnelles depuis 2007, dans le cadre de son programme de renforcement de capacités et d’appui sectoriel. Récemment la définition d’une nouvelle stratégie a poussé ADA à adopter une approche plus régionale de ses activités d’appui technique et financier aux réseaux de microfinance. L’organisation soutient donc des réseaux régionaux à travers des programmes d’appui adaptés à leurs besoins :
 
En Amérique Centrale 
Appui à REDCAMIF (et les 7 AP nationales membres) : Programme d’appui technique et financier sur 5 ans qui combine le renforcement institutionnel de REDCAMIF, l’appui technique pour améliorer l’offre de services aux IMF membres et la gestion de connaissances.
 
En Afrique  
Appui à l’AFMIN : La définition du programme d’appui est en cours avec AFMIN. Une piste déjà identifiée avec eux est la création de l’antenne AFMIN pour l’Afrique de l’Ouest. 
Appui à la CIF (Confédération des Institutions financières d’Afrique) : Partenaire stratégique de longue date, ADA soutient techniquement et financièrement la CIF dans la mise en place de la confédération et la création des unités d’affaires (banque et compagnie d’assurance).
Appui à AMT (African Microfinance Transparency Forum) : AMT est une association africaine qui a comme objectif de promouvoir la transparence du secteur de la microfinance en Afrique et de renforcer la performance des IMF africaines afin d’améliorer leur efficacité en terme de lutte contre la pauvreté. ADA offre un appui technique et financier à AMT depuis 2003 et a géré le secrétariat exécutif de l’association après son institutionnalisation en 2008 jusqu'à 2012. Avec l’appui d’ADA, AMT  a ouvert ses bureaux à Dakar. 
Appui à la concertation des réseaux régionaux d’Afrique : Avec l’objectif d’avoir une meilleure coordination des acteurs régionaux en Afrique, ADA encourage le dialogue des réseaux régionaux africains (AFMIN, AFRACA, AMT, INAFI-Africa, MAIN and SANABEL) afin d’échanger les stratégies et identifier des synergies communes ainsi que des pistes de collaboration.
 
En Asie du Sud-Est 
Appui aux réseaux LMFWG du Laos, VMFWG du Vietnam et CMA du Cambodge (ADA travaille directement avec trois organisations nationales par manque d’un partenaire régional adapté) : 3 grands axes d’appui au niveau de chaque réseau : appui à la professionnalisation du réseau ; appui à l’offre de services du réseau à ses membres ; et appui à la communication et coordination des acteurs. Au niveau global : appui à la concertation des 3 réseaux afin d’échanger les leçons apprises tout au long de ce programme d’appui et de capitaliser les expériences.
 
Par ailleurs, ADA organise des ateliers régionaux d’échange avec les AP et réseaux de microfinance depuis 2008 en partenariat avec SEEP.
 
Entretien avec Wendy Medrano-Lazo, chargée de projets dans le département Renforcement de capacités et appui sectoriel d’ADA
A quel(s) moment(s) de son cycle de vie une AP a-t-elle le plus besoin d’appui extérieur ? 
WML : Différents types d’appui sont nécessaires selon les différents stades d’évolution d’une AP. Appuyer des AP naissantes est essentiel pour qu’elles puissent établir les bases de travail (gouvernance, stratégie), consolider leur fonctionnement et mettre en place des bonnes pratiques. C’est souvent à ce stade (premières années) que l’association, si elle est bien organisée et dirigée prépare sa pérennité sur le long terme. En même temps, un appui à une AP mature pour développer des services ou produits innovants pour les membres peut se révéler indispensable pour le développement de l’AP et du secteur en général.
 
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les AP dans l’atteinte de leurs objectifs ?
WML : En premier lieu le financement. Beaucoup d’AP ne sont pas viables et doivent trouver le financement pour fonctionner. Le manque de ressources financières est l’éternel problème des AP que ce soit en fonds externes ou en revenus générés. Les cotisations des membres ne sont souvent pas suffisantes et la mise en place de services générateurs de revenus n’est pas facile. De plus, les fonds externes sont parfois conditionnés, ce qui peut amener des associations à s’éloigner de leurs objectifs initiaux pour se focaliser sur des objectifs voulus par d’autres organisations d’appui ou bailleurs de fonds.
 
Ensuite vient le manque de ressources humaines, problématique directement liée au financement. Il limite la force de travail des AP qui par conséquent n’ont pas la capacité de développer les produits et services adaptés aux besoins de ses membres.
 
Enfin il faut ajouter le manque de leadership et la faible implication des IMF membres. Le directeur exécutif d’une AP est une des pièces clés pour sa réussite ainsi que l’implication de ses membres.
 
Quels sont les besoins d’appui extérieur les plus couramment exprimés ?
WML : Souvent nous recevons des demandes de subvention pour le renforcement de capacités (gestion, développement des services aux membres, formations). Toutefois, l’appui doit être adapté au cycle de vie de l’AP et à son modèle d’affaires.
 
Quelles sont les conditions de l’efficacité d’un programme d’appui aux AP ?
WML : Pour nous chez ADA, l’efficacité d’un programme d’appui passe d’abord par l’appropriation du programme par l’association. Il est indispensable que ce soit un programme créé avec l’association suivant une méthode participative pour identifier ses besoins et ceux de ces membres et définir ensemble les résultats attendus du programme. Par ailleurs, ce programme doit assurer que l’AP est dotée ou sera dotée des moyens nécessaires pour le mettre en œuvre (RH, volonté des membres, etc.).
 
Deuxièmement, l’accompagnement du partenaire tout au long d’un programme d’appui nous permet de créer plus qu’une bonne relation de travail, une alliance stratégique qui renforce nos institutions respectives. Troisièmement, la flexibilité, la réactivité et l’innovation sont aussi des aspects non négligeables. Un programme d’appui pluriannuel doit être en mesure de répondre à des priorités qui peuvent changer. 
 
Et finalement, nous essayons toujours d’impliquer d’autres acteurs et partenaires dans les programmes d’appui que ce soit les partenaires existants pour garantir une bonne coordination ou de nouveaux acteurs pour permettre à l’association de construire des nouveaux partenariats. Un des objectifs de nos programmes d’appui est de maximiser les effets de levier dans une volonté d’augmenter la portée des résultats de développement escomptés et à cette fin nous adoptons l’approche que « deux avis valent mieux qu’un ».
 
2 questions à Iván Gutiérrez, Directeur exécutif de REDCAMIF
Qu’est-ce qui vous parait le plus important dans l’appui extérieur qu’a reçu Redcamif ?
 
IG : Le plus important est que la coopération internationale permet d’avoir un effet de levier sur les fonds propres des associations, ainsi que sur leur base de connaissances. C'est-à-dire que l'effort national est complété par des ressources et des expériences externes, qui permettent de créer des capacités additionnelles pour l'exécution de projets, pour le développement du marché de la microfinance et l'appui à la qualité de vie des clients. L’effet de levier peut être financier, dans la mesure où les fonds propres se multiplient, et technique avec un levier sur les connaissances, parce que la coopération internationale permet d’élargir les horizons de la gestion de la connaissance.
 
Quels conseils donneriez-vous à une association professionnelle ou un réseau nouvellement créé ?
 
IG: Mes conseils seraient : 
  1. créer une vision de long terme partagée entre ses membres, qui devient un pacte social et la base du compromis de l’association ;
  2. élaborer les projections d'activités qui permettent de connaître en profondeur les possibilités de viabilité des associations, y compris les capacités de gestion de ressources locales et externes ;  
  3. créer un cadre éthique transparent pour définir les règles de gouvernance de l'association, en laissant des espaces démocratiques avec des règles claires de participation ; 
  4. formuler et divulguer des projets vainqueurs, qui mettent en avant les meilleures pratiques et les réussites de membres, et de cette façon, renforcer la confiance des membres et de l'environnement national et international ;
  5. développer une vaste stratégie d'alliances avec d'autres acteurs locaux et internationaux, en identifiant ces acteurs qui ajoutent une plus grande valeur ajoutée à ses stratégies et à sa vision de long terme.

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