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"Le grand atout compétitif de l’Afrique, c’est l’Afrique elle-même"

Pour Jean-Michel Severino, l’Afrique est confrontée à des défis qui appellent un aggiornamento de la vision traditionnelle de son développement. Elle seule peut définir son destin. Reste aux acteurs du développement le rôle de sparring partners.

On entend des discours contradictoires sur l’Afrique : l’un, optimiste, annonce l’émergence d’un continent de tous les possibles ; l’autre, souvent porté par des gens du terrain, est plus dubitatif quant à cette évolution. Où mettez-vous le curseur ?

Tout le monde a un peu raison. Ce qui est réel et incontestable, c’est que les taux de croissance africains ont été significativement plus élevés depuis le début des années 2000. Ils ont été portés par des phénomènes structurels, certains d’ordre macroéconomique, comme le désendettement et le rétablissement des finances publiques, mais plus fondamentalement par des dynamiques très profondes, en termes de démographie, avec l’amorçage progressif d’un dividende démographique, mais aussi en termes d’urbanisation et de densification des territoires. Tout ceci a participé à l’émergence d’une classe moyenne africaine qui transforme la situation économique et sociale du continent.

Il faut toutefois reconnaître que cette croissance profite insuffisamment à la grande majorité des Africains. On le voit à l’élargissement des inégalités, à une amélioration trop lente des indicateurs sociaux ou encore à des infrastructures encore trop peu nombreuses et fragiles. Par ailleurs, le continent compte encore un certain nombre d’États faillis comme la RDC, le voisinage des Grands Lacs, la Corne de l’Afrique ou encore la Centrafrique… et qui malheureusement concentrent une part significative de la population africaine. Mais toutes ces faiblesses, bien réelles, ne peuvent masquer une réalité économique et sociale très différente de celle des années 1980-1990.