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Les programmes de lutte contre la pauvreté fonctionnent-ils vraiment ?

Trois questions que chaque groupe anti-pauvreté devrait se poser

Ce mois, les Nation-Unis vont célébrer l’accomplissement de l’objectif numéro un du Millénaire pour le développement. Le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a chuté de plus de moitié, de 1,9 milliards en 1990 à 836 millions en 2015. Comment cela a-t-il été possible ? Est-ce dû aux programmes ciblés de lutte contre la pauvreté, ou bien grâce à une croissance économique globale, spécialement en Inde et en Chine? Si comme il le semble la croissance économique est la cause principale, plus de progrès sont peu probables.

Femmes Burkinabées s'informant sur comment éviter et traiter le paludisme. Photo de Freedom from Hunger et Karl Grobl.Il est encore moins  probable que ces programmes ciblés, qu’ils soient publics ou privés, arriveront à sortir de l’extrême pauvreté ce « milliard le plus pauvre de l'humanité.» Par exemple, le taux de pauvreté aux Etats-Unis flotte au-dessus des 15 pourcent de la population, est resté pratiquement inchangé depuis des décennies, et ce malgré les centaines de milliards de dollars investis en programmes anti-pauvreté. Un autre exemple, dans des pays plus pauvres, la microfinance qui a été présentée comme une solution d'autofinancement contre l’extrême  pauvreté et est devenue la coqueluche des donneurs de l’aide au développement international dans les années 1990 et des «investisseurs sociaux» dans les années 2000. Mais des spécialistes en sciences sociales ont ensuite testé cette affirmation avec des études sur le terrain et ont démontré que peu ou pas d’impact sur la pauvreté.

Est-il raisonnable néanmoins d’attendre de ces programmes anti-pauvreté qu’ils tirent un grand nombre de personnes au-dessus d’un seuil de pauvreté arbitraire ? Etant donné que les personnes vivant dans la pauvreté doivent surmonter beaucoup d’obstacles avant d’être capable de saisir de toutes les opportunités économiques disponibles, peut-être devons-nous nous poser une autre question :

Les programmes de lutte contre la pauvreté soulagent-il du poids de celle-ci ?

Alors que de récentes recherches sur la microfinance montrent, en moyenne,  peu ou pas d'augmentation du revenu annuel du ménage, ces même études montrent très souvent que le poids de la pauvreté est réduit en donnant aux participants de microfinance accès à des moyens financiers quand ils en ont vraiment besoin au cours de l'année. Les économistes appellent cet effet le « lissage de consommation. » En clair, cela veut dire que les personnes ont assez pour manger durant toute l’année au lieu de ne pas avoir une alimentation suffisante pour la journée, la semaine, ou même le mois. Si c’est le cas, cet effet mérite d’être célébré n’est-ce pas ?

Même avec des attentes plus réalistes et modestes, certains programs anti-pauvreté sont efficaces et d’autres ne le sont pas. Nous le savons de par notre observation commune dans le domaine, avec plus de 70 ans d’expérience derrière nous. La question est de pouvoir distinguer ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas. Il est préférable de chercher les programmes « en faveur des personnes vivant dans la pauvreté » plutôt qu’"efficaces" étant donné qu’il y a différents degrés d’efficacité. Tous les programmes peuvent s’améliorer. En réalité, les programmes « en faveur des personnes vivant dans la pauvreté » s’efforcent perpétuellement d’atteindre une meilleure efficacité. Transparence et responsabilité ne signifient pas seulement séparer le bon grain de l'ivraie; ils visent à l’amélioration continue. 

Comment pouvons-nous vraiment distinguer les programmes dits "en faveur des personnes vivant dans la pauvreté" de ceux qui ne le sont pas ?

Avec l’initiative bénévole Truelift, des grands spécialistes du mouvement de la « performance sociale » au sein de la microfinance (recherche d’un retour social autant que financier sur investissement) ont mis le doigt sur une vérité qui s’applique à tous les programmes de lutte contre la pauvreté : Les véritables programmes « en faveur des personnes vivant dans la pauvreté » fournissent la bonne réponse à chacune de ces trois simples questions :

Premièrement : le programme touche-t-il les personnes vraiment vivant dans la pauvreté ?

Plutôt simple n’est-ce-pas ? Mais comment savoir qu’une personne vit dans des conditions de pauvreté lorsque vous en voyez une ? Plus important encore : Comment un programme les reconnait, les aborde, les inclut et s’assure que les autres ne vivant pas dans la pauvreté ne bénéficient pas du ce que le programme propose ?

Beaucoup trop de programmes anti-pauvreté ne peuvent pas répondre à cette question. En dépit de légitimes raisons, ces programmes avance à l’aveuglette en ce qui concerne leur atteinte sur la pauvreté et ainsi, leur potentiel d’impact sur celle-ci. Ces programmes « aveugles » peuvent donc « gaspiller » de précieuses ressources sur les « mauvaise » personnes, même si beaucoup de bien pourrait être leur fait. Ces programmes ne peuvent pas être labellisés « en faveur des personnes vivant dans la pauvreté.» Il leur faut une dénomination différente. Ou bien ils peuvent prendre au sérieux la question du statut des personnes avec qui ils travaillent.

Deuxièmement : le programme conçoit et adapte-t-il ses services spécialement pour les personnes vivant dans la pauvreté ?

 Le personnel d’un programme “ en faveur des personnes vivant dans la pauvreté ” change et adapte les services et produits qu’ils proposent, intentionnellement et systématiquement, en étant toujours à l’écoute des personnes vivant dans la pauvreté et en étant clair à propos des bénéfices que le programme cherche à leur apporter.  C’est une pratique de business basique : connaitre ses clients, être à leur écoute, concevoir pour eux et les satisfaire.

Troisièmement : le programme suit-il les progrès réalisés par les personnes bénéficiant de ses services ?

Ce n’est pas tout de cibler les personnes vivant dans la pauvreté, concevoir et adapter ses services pour répondre à leur besoin et contraintes. Il nous faut aussi avoir la preuve que notre travail les aide à avancer dans bonne direction, même si ils n’arrivent pas exactement jusqu’à destination. C’est n’est pas seulement une preuve que le travail réalisé vaut le coup de l’argent dépensé, mais aussi pour pouvoir encore en améliorer l’impact. Il faut donc des informations « en-temps réel » au sujet du changement dans les conditions de vie des clients.

Nous opérons dans un environnement où les recherches précises entre les causes et effets sont rares et sont probables de le rester. Logiquement, l'expérience et certains éléments de preuve indiquent que les programmes fournissant la «bonne» réponse à chacune des trois questions de Truelift ont une bonne probabilité de démontrer un impact positif sur les personnes vivant dans la pauvreté, lorsque ces recherches sont réalisées.

Il n’est pas difficile pour les managers, donneurs, investisseurs, régulateurs et les hauts responsables de l’industrie de se poser ces trois questions et de savoir lorsqu’ils ont les bonnes réponses. Nous pouvons reconnaitre un programme agissant en faveur des personnes vivant dans la pauvreté  lorsque nous en voyons un, et agir pour le soutenir.

(*) Chris Dunford et Carmen Velasco sont co-présidents du Steering Committee Truelift. Article initialement publié le 14 septembre en anglais sur le blog de Next Billion.

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