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L'open data est-il l'avenir du secteur bancaire ?

Inclusion financière dans la banlieue de Dakar, une aire de la ville délaissée par les banques traditionnelles. Crédit photo : Jean Marie Leosgho, concours photo du CGAP 2018.

Prenez cette vendeuse à la sauvette dans les rues de Nairobi : grâce à son téléphone portable, elle peut transférer les toutes dernières transactions réalisées avec ses comptes M-PESA et Equity Bank sur une application de gestion de budget. Qui lui sert aussi à programmer ses paiements en fonction de ses rentrées d’argent, afin d’éviter tout retard de paiement de ses factures.

Ou cet électricien de Mumbai, abonné aux petits boulots sans qualification, qui souhaite trouver une police d’assurance pour protéger sa famille. Google Pay lui permet de partager avec la compagnie d’assurance des informations sur ses gains et, ainsi, de définir une couverture optimale puis de programmer un versement automatique des primes tenant compte de l’irrégularité de ses revenus.

Ou encore cet ouvrier du bâtiment de Medellin qui, avec son épouse couturière, recourent à une application pour trouver des prêteurs capables, en fonction des salaires et des revenus enregistrés, de leur accorder un prêt hypothécaire abordable afin d’acquérir un petit appartement pour leur famille.

 

Les nouveaux dispositifs de partage de données et de paiements flexibles pourraient bien faire souffler un vent d’innovation en libérant l’accès aux informations sur les consommateurs actuellement conservées par les organismes de paiement, les banques et d’autres institutions financières.

 

Partout dans le monde, les pauvres sont toujours plus nombreux à accéder au système financier formel. Mais ils ne peuvent pas encore profiter des services proposés. Comme le montrent nos trois exemples, les nouveaux dispositifs de partage de données et de paiements flexibles pourraient bien faire souffler un vent d’innovation en libérant l’accès aux informations sur les consommateurs actuellement conservées par les organismes de paiement, les banques et d’autres institutions financières. Associées à la capacité d’effectuer des paiements, ces évolutions permettent à des acteurs responsables de concevoir toute une gamme de produits et services inédits, plus concurrentiels, offrant un choix plus large aux clients pour un coût moindre et mieux adaptés à leurs besoins. Une utilisation plus ouverte des données et des paiements profiterait ainsi à des millions d’individus à faible revenu qui accèdent au système financier formel et conforterait leur participation à l’économie réelle.

Pourtant, les mêmes structures qui semblent si prometteuses pour l’inclusion et la croissance introduisent de nouveaux risques. Le partage des informations clients entre de multiples intervenants accroît le risque d’utilisation de leurs données à mauvais escient, exposant des millions de personnes vulnérables à des propositions ciblées inappropriées. Parce qu’ils possèdent moins d’actifs et sont plus susceptibles d’être fonctionnellement ou financièrement analphabètes, les pauvres sont particulièrement exposés. Le déploiement de systèmes incluant des millions de pauvres ne pourra avoir lieu si l’on compte uniquement sur des innovations tous azimuts. Il faut au contraire prendre des mesures délibérées et organiser un dialogue entre acteurs publics et privés dans le but de concevoir des nouveaux régimes de partage des données et de paiement.

Trois éléments fondamentaux nous paraissent indispensables pour maximiser le potentiel d’une finance responsable et inclusive :

  • des bases de données étendues et diversifiées qui récupèrent certes des informations auprès des banques mais sollicitent aussi les différents intervenants en contact avec les pauvres ;
  • des centres d’agrégation des données permettant aux consommateurs et aux utilisateurs des données de gérer facilement les droits d’accès ;
  • des tiers de confiance, capables d’initier une demande de paiement directement auprès d’une banque au nom de leurs clients.

Ensemble, ces trois éléments constituent les composantes nécessaires (mais non suffisantes) pour instituer un régime efficace de données ouvertes et de paiements flexibles bénéficiant à chaque membre de la société, indépendamment de son niveau de revenu.

Si ces principes semblent familiers, c’est parce qu’ils sont inspirés des nouveaux modèles qui émergent notamment en Europe, au Mexique et en Inde. Afin de stimuler la concurrence dans la banque de détail au Royaume-Uni, la Competition Markets Authority en charge de la concurrence commerciale a obligé les plus grands établissements bancaires du pays à ouvrir et partager leurs données. Dans une analyse récente, la Financial Conduct Authority — l’instance de régulation du secteur financier britannique — affirme que cette évolution pourrait ouvrir la voie à des modèles d’affaires plus innovants et concurrentiels avec, à la clé, des services améliorés pour les clients (solutions de paiement moins coûteuses, outils de gestion du budget et des liquidités adaptés au profil et changement de prestataires simplifié, par exemple). L’Union européenne vient d’adopter une nouvelle directive sur les services de paiement (PSD2), qui impose aux banques de partager leurs données. Une obligation rendue possible par les interfaces de programmation applicative (ou API, pour Application Programming Interface), des logiciels qui permettent à des programmes informatiques disparates de dialoguer ensemble, d’échanger des données et de réaliser collectivement une tâche. Les clients pourront donc communiquer leurs informations bancaires et procéder à des paiements depuis leur compte bancaire en recourant à des applications tierces. L’Australie, le Canada et le Brésil s’efforcent eux aussi d’ouvrir leurs systèmes bancaires et de paiement.

Au Mexique, la loi de 2018 sur les fintech (technologies financières) introduit des obligations de partage de données pour toutes les entités opérant dans le secteur financier et prévoit d’amender le système national de paiements pour permettre à des tiers d’initier de telles transactions. L’Inde est allée encore plus loin en déployant, via la National Payments Corp. of India (NPCI), un système de paiements ouvert — l’interface de paiements unifiée (ou UPI, pour Unified Payments Interface). Plus récemment, le gouvernement indien a créé un nouveau service de partage des données financières des clients, l’« agrégateur de comptes ».

Toutes ces initiatives donnent un aperçu du fonctionnement possible des régimes de données et de paiement ouverts. Ce sont elles qui nous ont convaincus de l’intérêt, pour les économies émergentes, d’intégrer ces trois principes fondamentaux afin de favoriser l’apparition de marchés financiers dynamiques et porteurs de croissance inclusive. Attardons-nous sur chacun de ces trois éléments.

Données ouvertes : accéder à des informations financières émanant de multiples sources

Dans les économies en développement sous-bancarisées, la fourniture de données clients impliquera bien d’autres intervenants que les seules banques. Celles-ci y ont relativement peu de clients, dont la plupart ont peu d’argent sur leurs comptes et manquent de relations financières profondes. Les régimes de données ouvertes devront s’appuyer sur un éventail plus large d’acteurs qui touchent une clientèle bien plus vaste. Parce qu’ils ont en général plus de contact avec les segments plus démunis de la population, du fait de structures de coût plus faibles, les émetteurs de monnaie électronique (EMI) devront en faire partie. Au Bangladesh par exemple, bKash est parvenu à ouvrir pratiquement 30 millions de comptes sur un marché où les établissements bancaires les plus importants peinent à atteindre le million de comptes. De leur côté, des prestataires de paiement comme Stripe ou Visa devront aussi contribuer à ce regroupement, puisqu’ils traitent de très vastes volumes de données. La nouvelle loi du Mexique sur les technologies financières est un bon exemple d’initiative visant à étoffer la circulation des données. Elle oblige les établissements bancaires, les prestataires de paiement, les coopératives de crédit, les assureurs, les services de remise de fonds et les entreprises de fintech agréées à partager les informations en leur possession.

Grâce aux données produites par un large éventail d’entreprises, les clients auront davantage d’éléments sur lesquels s’appuyer pour négocier leur accès à de nouveaux services. La masse critique nécessaire à l’innovation ne pourra être atteinte que si un grand nombre d’opérateurs financiers sont tenus de partager leurs données. Avec, à la clé, d’autres avantages : rassurer les prestataires financiers historiques quant au risque de voir des tiers profiter indûment du dispositif pour accéder aux données bancaires classiques et parasiter ainsi le système ; atténuer les craintes de voir les grands noms de la fintech, comme Google, Alibaba, Facebook et consorts, profiter de leur contrôle exclusif de leurs données clients pour dominer le marché, puisqu’ils devront aussi communiquer les informations relatives à leurs services financiers ; et, conséquence appréciable, permettre aux fournisseurs de données de bénéficier eux aussi du système, puisqu’ils pourront proposer de nouveaux services financiers en s’appuyant sur un volume supérieur de données.

En toute logique, on pourrait même étendre la fourniture de données à d’autres acteurs, comme les opérateurs des télécommunications ou les entreprises de services publics. En plus d’accroître la valeur de ces données, cela favoriserait le partage d’informations au-delà de la seule sphère de la politique financière. Pour de nombreux pays, cela pourrait donc constituer une aspiration à plus long terme plutôt qu’une possibilité pratique de court terme.

Accès aux données : créer un point unique de recueil du consentement

Le partage de données entre plusieurs prestataires pourrait devenir un véritable casse-tête pour les clients s’ils sont obligés de donner leur consentement à chaque fois qu’une partie des informations associées à leur compte est utilisée ou de fournir un historique à tous ces prestataires pour obtenir les meilleures offres pour les produits et services financiers. Sans parler des difficultés pour mettre fin à tel ou tel consentement ou récupérer les données auprès de ces prestataires. D’où l’idée de permettre aux clients de donner, via une plateforme unique, leur consentement à transférer en un seul paquet des données financières pertinentes issues de plusieurs sources à une application, un prestataire financier ou un tiers de confiance, selon les cas. Notre couple de Medellin qui cherche à acheter un appartement pourrait ainsi autoriser l’application spécialisée dans les prêts hypothécaires à accéder, par une demande unique, à leurs informations financières. Un tel système serait extrêmement commode pour les clients et permettrait aux utilisateurs des données de faire des économies importantes.

L’Inde a été parmi les premiers à le comprendre, avec l’introduction des agrégateurs de comptes bancaires. Les clients autorisent ces nouvelles entités à se connecter aux différentes sources d’informations financières les concernant (banques, courtiers, assureurs…) puis à les partager à la demande. Ces agrégateurs sont en quelque sorte des « pipelines » de données : ils permettent de les déplacer facilement, mais ils ne peuvent ni les stocker ni les utiliser eux-mêmes. Les utilisateurs des données y trouvent un avantage supplémentaire puisqu’ils n’ont à formuler qu’une seule demande pour accéder à un large panel de données.

Paiements ouverts : autoriser différents tiers de confiance à initier des demandes de paiement

Trop souvent sur les marchés développés et sous-développés, ce sont les banques historiques qui contrôlent les paiements avec, en général, des coûts, des retards et des blocages qui entravent la capacité des consommateurs à utiliser leur argent et, ce faisant, bloquent l’accès à des services de meilleure qualité proposés ailleurs que dans leur banque. Dans un billet de blog consacré à l’interopérabilité, nous avons insisté sur l’importance de pouvoir déplacer l’argent sur tout un éventail de comptes bancaires et mobiles. Mais les régimes de paiement doivent dépasser cette exigence pour garantir qu’un panel encore plus large de tiers de confiance, qui ne participent pas directement aux dispositifs interopérables, puissent aussi aider les consommateurs à initier des paiements.

Aux Philippines, Facebook Messenger permet ainsi à ses utilisateurs de procéder à des paiements à partir de comptes détenus par un nombre restreint de fournisseurs de monnaie électronique. Les clients autorisent l’application à acquitter leurs mensualités depuis leur compte EMI (Equated monthly installment), intégré à Messenger. De même en Inde, la NPCI a ouvert son système à des opérateurs non bancaires, grâce à une interface de paiements unifiée, l’UPI. Google Pay et BHIM, une application tierce locale, peuvent ainsi initier un paiement auprès de plus d’une centaine de banques. Depuis le lancement de Google Pay (anciennement Tez) voici deux ans, plus de 60 millions d’abonnés recourent chaque mois à ce service partout en Inde, pour effectuer des paiements dématérialisés.

Au Mexique, un nouveau dispositif baptisé CoDI, censé devenir opérationnel à l’automne 2019, autorisera les organismes de technologie financière non bancaires à se connecter directement au système SPEI de paiements de faible montant en temps réel et à effectuer des transactions d’un compte bancaire à l’autre. Les paiements proviennent bien du compte en banque du consommateur mais ni ce dernier, ni l’intermédiaire fintech n’ont besoin d’attendre que la banque déclenche l’opération.

Sur les marchés plus développés, l’ouverture des infrastructures de paiement fait elle aussi des émules : ainsi, la Banque d’Angleterre autorise désormais les organismes non bancaires à participer directement à son système de paiement à règlement brut en temps réel (RTGS). L’élargissement de l’accès devrait réduire sensiblement le coût des mouvements de fonds. Avec l’UPI et CoDi, l’Inde et le Mexique cherchent d’ailleurs à faire baisser ces frais de manière conséquente, voire à les supprimer, faisant des paiements une composante à part entière d’une infrastructure de service disponible sur la quasi-totalité du territoire.

En plus de réduire les coûts de transaction, ces évolutions pourraient susciter des innovations numériques dans l’économie réelle, en permettant à toujours plus d’intervenants tiers de proposer des services plus intéressants. Prenons le cas d’une entreprise de services d’entretien proposés par le biais d’une plateforme en ligne. Les contractuels pourraient toucher leur salaire plus vite et avec plus de garanties si, à la fin de chaque mission, la plateforme lançait automatiquement le versement des fonds sur le compte de ces travailleurs indépendants « ubérisés ». Pour ces derniers, des paiements rapides leur permettent de gérer au mieux leur trésorerie mais aussi de se constituer un historique grâce auquel ils pourront, plus tard, obtenir un crédit en ligne pour soutenir une activité florissante.

 

L’ouverture des données et des paiements permet de rendre la recherche de clients et la constitution d’une clientèle fidèle beaucoup plus efficaces.

Les systèmes ouverts favorisent la finance inclusive

Arrêtons-nous un peu sur la manière dont un nouveau régime de ce type s’attaque à bon nombre d’obstacles structurels présents dans le système financier et qui continuent d’exclure la plupart des pauvres sur les marchés émergents. Le coût des services bancaires classiques en fait indubitablement partie. Les clients peu fortunés ne disposent que de très peu d’argent sur leurs comptes et ne rapportent donc pas grand-chose aux banques (moins de 10 dollars par an en général). Quand on sait qu’un nouveau client coûte entre 20 et 30 dollars (pour le marketing, les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle, l’ouverture des comptes, etc.), les plus pauvres ne correspondent pas aux profils que la banque voudra pérenniser. Sans parler des coûts excessifs pour desservir des populations dispersées sur de grandes distances. Le fait de ne pas comprendre vraiment comment ces clients gagnent leur vie est aussi un frein pour leur proposer des services attrayants.

L’ouverture des données et des paiements permet de rendre la recherche de clients et la constitution d’une clientèle fidèle beaucoup plus efficaces. Ainsi, un client désireux d’acquérir une moto et de la rembourser toutes les semaines peut accorder à son prêteur l’autorisation d’accéder aux données de son compte courant. En examinant la fréquence avec laquelle l’emprunteur paie ses factures de services publics, le prêteur peut évaluer les risques. Et s’il associe ces données à des informations fournies par le revendeur (la moto est-elle bon marché, solide, capable de supporter une charge légère ? Le revendeur est-il situé loin de son client ?), il peut adapter les conditions même si la personne n’a jamais emprunté d’argent auparavant. Ce système lui permet de trouver un client en dépensant un minimum d’argent. Dans l’économie réelle, ce type de prestations pourrait ouvrir à la voie à toute une gamme de services financiers complémentaires.

Les données relatives aux transactions peuvent aussi servir à personnaliser les offres de prêt. Un restaurateur de rue, par exemple, utilise régulièrement son compte mobile pour acheter de la viande et des légumes, engendrant ainsi un riche historique de données transactionnelles. Imaginons qu’il veuille travailler plus. Pour cela, il devra acheter plus d’aliments et donc, emprunter. Au Kenya, grâce au service de prêts de Kopo Kopo Grow, il pourrait rembourser son emprunt par petits versements représentant un pourcentage de son chiffre d’affaires. Des algorithmes de notation peuvent s’appuyer sur l’historique d’un client et décortiquer différents types de données pour permettre au prêteur de mieux apprécier les risques et de valoriser l’opération en fonction. Si le client rembourse l’argent dans les délais, alors le prêteur pourra le récompenser ultérieurement en lui proposant des taux d’intérêt plus faibles. Une étude de la structure des coûts bancaires en Afrique, réalisée par le CGAP et McKinsey en 2015, révèle que les prestataires financiers en place pourraient réduire d’au moins 25 % leurs frais de fonctionnement en intégrant l’analyse des données et en faisant le choix de l’automatisation.

Tous ces exemples mettent en lumière le rôle positif des régimes de données ouvertes pour les pauvres, puisqu’ils font baisser les coûts et permettent d’offrir des produits et des services plus adaptés. Des services financiers capables d’aider leurs clients moins fortunés à investir dans leur entreprise, acquérir plus d’intrants, se protéger contre les risques et gérer leurs ressources financières en toute simplicité contribuent à améliorer la contribution productive de ces individus à l’économie réelle. Un régime de données et de paiements ouverts peut déboucher sur cette forme d’inclusion économique « par le bas ».

Mais la prudence reste de mise

En dépit de leurs nombreux avantages attendus, ces nouveaux régimes ne seront pas forcément simples à déployer et peuvent engendrer d’autres risques. Leur introduction nécessitera des réflexions approfondies, sachant que leur conception ne pourra pas être uniquement confiée aux entreprises de technologie financière ou aux innovateurs. Chaque pays aborde les différents enjeux à sa manière, notamment :

  • Faut-il normaliser les API ? Si chaque prestataire financier conçoit sa propre interface de programmation applicative et ses propres protocoles avec, à la clé, des intégrations complexes, les bénéfices de l’ouverture des systèmes s’en trouveront fortement amputés. Il suffit de repenser à l’époque des premières lignes de chemin de fer, quand chaque compagnie ferroviaire posait des rails avec des écartements différents... Le Royaume-Uni et le Mexique s’efforcent de normaliser les règles de partage des données pour garantir des approches homogènes. L’Inde est allée encore plus loin avec son système centralisé unique, l’UPI, qui donne accès à plus d’une centaine de banques.

  • Les gouvernements doivent-ils rendre obligatoires les données et les paiements ouverts ? Alors qu’en Europe et au Mexique, les responsables politiques encadrent ces évolutions par la législation, ailleurs, ce sont des entreprises privées qui prennent les devants, ayant parfaitement perçu l’intérêt commercial d’avoir leurs propres API (voir les travaux du CGAP sur les API ouvertes). Au Japon, encouragés par une loi de 2018 promouvant la banque ouverte, plusieurs établissements bancaires ont adopté les API ouvertes pour fournir à des tiers des services d’information sur les comptes. Environ 130 des 140 plus grosses banques de dépôt devraient rejoindre le mouvement d’ici la mi-2020. Un tel degré de participation des opérateurs privés ne pourra sans doute pas être reproduit partout ailleurs, dans la mesure où les établissements historiques, qui ont accumulé beaucoup d’informations sur leurs clients, rechigneront probablement à les partager. Dans de nombreux pays, il est probable que des coups de pouce du gouvernement (mais pas forcément une obligation légale) seront indispensables pour faire avancer le mouvement.
  • Comment gérer les risques en matière de cybersécurité ? Le fait de faire circuler dans un environnement donné des informations sur les clients provenant de multiples sources et impliquant un grand nombre de prestataires de services crée de nouvelles fragilités. Les prestataires doivent se mettre d’accord sur les normes de sécurisation et de protection des données. Des protocoles communs de cryptage et de sécurité doivent régir la circulation des informations entre les différents utilisateurs de l’infrastructure.
  • Comment protéger les consommateurs contre une utilisation abusive de leurs données ? L’emploi abusif de données peut être en partie géré par la loi et la réglementation. Prenons l’exemple d’un prestataire qui propose un service simple d’équilibrage de la trésorerie et obtient l’accord de son client pour consulter ses transactions et ses positions financières actuelles. Le risque est qu’il monétise ensuite ces informations d’une manière ou d’une autre pour aider une compagnie d’assurance à concevoir et commercialiser un produit auquel le client n’aurait jamais pensé. Une telle utilisation abusive sapant la confiance du consommateur, il convient de limiter l’usage que le prestataire peut faire de ces données aux fins strictement convenues entre les deux parties. Dans un article à paraître, nos collègues David Medine et Gayatri Murthy analysent la manière dont cette limite en fonction du « but légitime » peut aider les consommateurs tout en améliorant l’exploitation des données.

Au-delà de l’extraordinaire pouvoir des données à réduire le coût des services financiers et introduire de nouveaux modèles commerciaux capables de créer des débouchés pour les plus pauvres, nous devons avoir conscience que ces nouvelles fonctionnalités d’accès peuvent aussi être exploitées pour exclure certains de manière systématique. Dans les pays développés, un revenu insuffisant, des antécédents médicaux ou des conditions préexistantes peuvent être invoqués pour refuser un crédit ou une assurance à tel ou tel individu. Dans les pays où des stéréotypes de genre interdisent aux femmes de participer activement à la gestion des ressources, ces dispositifs pourraient accentuer l’exclusion et non la combattre.

Nous devons débattre des solutions pour nous concentrer sur le système que nous appelons de nos vœux et nous devons intégrer dans la conception des systèmes de données et de paiements ouverts des principes reflétant les valeurs de l’inclusion et de l’émancipation. Le CGAP œuvre pour l’avènement d’une croissance équitable et diversifiée. Pour cela, nous devons redoubler d’efforts afin de garantir que ces valeurs et ces priorités figurent bien dans les modalités régissant le déploiement de ces nouveaux régimes. C’est à cette condition qu’ils pourront accompagner le progrès humain. En anticipant, nous pouvons faire en sorte que l’introduction de technologies modifiant les mouvements de données et les paiements contribue à bâtir un avenir dans lequel les pauvres ne sont pas victimes d’un nouvel ordre économique mais y trouveront au contraire des débouchés et des protections qui leur permettront, ainsi qu’à leurs familles, de prospérer.

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