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Une enquête menée avec des réseaux d'agriculteurs pour analyser l'impact du COVID-19 sur les ménages ruraux sénégalais

RTI International revient sur sa collaboration avec quatre réseaux d'agriculteurs du sud du Sénégal
Crédit photo : Sylvain Cherkaoui pour RTI International
Portail FinDev est partenaire de la conférence annuelle SEEP organisée par le réseau SEEP, qui s'est déroulé du 26 au 30 octobre 2020. RTI International est intervenu lors de la session "COVID-19 au Sénégal : des réseaux d'agriculteurs se joignent aux efforts de recherche".

 

La pandémie de COVID-19 a créé de nouvelles incertitudes pour les 70% de Sénégalais qui dépendent de l'agriculture comme moyen de subsistance. En effet, après la proclamation de l'état d'urgence par le gouvernement du Sénégal le 24 mars 2020, l’accès aux semences, aux engrais, à la main d’œuvre, au machines agricoles étaient menacés, de même que l’accès aux marchés pour vendre la production et la capacité des agriculteurs à rembourser leurs prêts dans les mois à venir.

Des informations actualisées et précises sur l'impact de la pandémie sont devenues essentielles, à la fois pour les agriculteurs et les bailleurs de fonds. Le confinement national a rendu difficile l'évaluation de l'impact sur le terrain pour les ménages ruraux. S'appuyant sur des systèmes de collecte de données menés par les agriculteurs et développés dans le cadre de l'ancien projet "Feed the Future Sénégal Naatal Mbay" financé par USAID, RTI International, soutenu par STATINFO, a lancé une recherche-action pour évaluer comment les réseaux d'agriculteurs sénégalais et leurs membres ont répondu au choc provoqué par le COVID-19.

Une étude menée en collaboration avec quatre réseaux d’agriculteurs

Quatre réseaux d’agriculteurs ont accepté de participer à notre étude : 

  • FEPROMAS
  • Saxemi de Kahi
  • Entente Diouloulou
  • Kissal Patim

Ces réseaux sont situés dans la zone forestière du sud du Sénégal, qui rassemble 8 000 ménages ruraux dépendant du maïs, du mil et du riz pour leur alimentation et comme source de revenus. Nous avons volontairement sélectionné ces réseaux car ils avaient fait preuve de potentiel et d'autonomie dans le cadre du projet Naatal Mbay. De plus, malgré l'arrêt de Naatal Mbay en 2019, une grande partie de leur infrastructure de données était restée active, avec un suivi agronomique régulier de leurs membres et une analyse des données pour gérer leurs cultures céréalières, leurs finances, leurs assurances et leurs ventes.

Carte des réseaux agricoles. Source: RTI International
Source: RTI International

Notre objectif était double :

  1. Surveiller les défis et les stratégies d'adaptation au COVID-19 et faire un bilan auprès des bailleurs de fonds.
  2. Apporter aux dirigeants des réseaux des informations à jour sur la façon dont leurs propres membres ont réagit face à la crise.

Au cours de cette enquête, les données ont circulé de deux manières : RTI et son partenaire local STATINFO ont conçu une enquête qui a été menée par les réseaux d'agriculteurs eux-mêmes lors de deux séries d'enquêtes en août et octobre 2020 auprès d'environ 800 agriculteurs. A l'issue de chaque série d’enquête, nous avons partagé les données avec les dirigeants des réseaux, avons reçus leurs réactions et avons répondu à leurs questions lors de groupes de discussion via Zoom.

Nos résultats se sont concentrés sur trois domaines : les contraintes et stratégies d'adaptation liées au COVID-19, la sécurité alimentaire et les stratégies de riposte des organisations paysannes.

1. Contraintes liées au COVID-19 et stratégies d'adaptation

Les ménages ont été invités à sélectionner les contraintes qu'ils subissaient ou s'attendaient à subir en raison de la crise provoquée par le COVID-19. Dans l'ensemble, la plupart des ménages ont indiqué que la préparation des champs et l'accès aux équipements étaient des contraintes, suivis de près par l'accès aux semences et aux financements.

Ils ont également déclaré avoir réorienté leur stratégie de culture vers des cultures à cycle court, privilégiant les céréales aux cultures commerciales et développant des jardins familiaux avec de l'horticulture / des légumes pouvant être transportés dans les marchés. Kissal Patim a signalé que des jeunes prenaient part à un mouvement de retour à la ferme entraîné par le COVID-19 en récupérant des terres officiellement louées et en les utilisant pour l'horticulture.

2. Impact sur la sécurité alimentaire

Les ressources alimentaires des ménages varient à la fois suivant les réseaux d'agriculteurs et suivant le moment de l'enquête. En comparant les résultats de l'Echelle de l’Accès déterminant l’Insécurité alimentaire des Ménages (Household Food Insecurity Access Scal, HFIAS) par réseau et par volet d’enquête, en moyenne, tous les réseaux, à l'exception de Saxemi, ont vu le pourcentage de membres dans la catégorie "insécurité alimentaire grave" diminuer. Lors de nos discussions post-enquêtes avec les réseaux, Entente Diouloulou a relevé que les fermetures de frontières causées par le COVID-19 ont affecté l'accès des ménages à la nourriture.

Graphique insécurité alimentaire.
Crédit : RTI International.

En plus du HFIAS, la quantité de céréales dont les ménages disposent pour leur consommation a fourni un deuxième indicateur, les personnes disposant de 100 kg ou moins en stock étant susceptibles d'être menacés par le manque de nourriture dans les mois à venir. Nous avons observé quelques changements dans les stocks des ménages entre les deux enquêtes. Les ménages Saxemi et FEPROMAS ont connu une diminution de la quantité de céréales dans les stocks. Cependant, Kissal Patim a connu à la fois une augmentation des stocks entre les enquêtes et des niveaux plus élevés de céréales disponibles. En effet, avant la collecte des données, nombre de leurs membres avaient reçu une aide alimentaire du gouvernement.

Graphique stock céréal.
Crédit : RTI International.

3. Riposte des réseaux d’agriculteurs

La première priorité des réseaux était de respecter leurs engagements contractuels de 2019 avec leurs acheteurs. Une fois cette partie réglée, ils ont décidé de conserver la production excédentaire pour des ventes au niveau communautaire, au lieu de la stocker pour la vendre sur le marché national. Ils ont choisi de donner la priorité au niveau local, en allouant rapidement des fonds internes et en acceptant l'aide extérieur pour fournir des équipements de protection individuelle à leurs agents de terrain et à certains agriculteurs, qui ont ensuite pu se déplacer pour gérer les besoins en intrant. 

Pour maintenir l'accès aux financements, les dirigeants des réseaux ont collaboré avec les banques afin de renégocier les prêts en cours de leurs membres à temps pour la saison 2020. Un des réseaux a créé des effets de commerce, qui ont permis aux banques d'émettre des prêts malgré les soldes impayés. Un autre réseau a utilisé ses fonds internes pour rembourser les soldes impayés, les agriculteurs ne sont désormais endettés qu'auprès du réseau.

La priorité des réseaux était que la pandémie ne les empêche pas d'accéder aux semences et aux intrants nécessaires pour démarrer la saison 2020. D'après les retours que nous avons reçus, leurs initiatives ont fonctionné.

Points clés de l'étude

Lors de nos débriefings avec les réseaux, nous avons constaté qu'ils étaient capables de se mobiliser et de réaligner rapidement leurs efforts pour privilégier les semences d'intrants, le financement et l'équipement dans le contexte de la pandémie. Les systèmes internes et les relations de marché bâtis grâce aux efforts passés se sont avérés être une base solide de capital social qui les a aidés à faire face et à rebondir.

Les membres des réseaux, tous résidents des communautés, se sont avérés être des collecteurs de données très réactifs et fiables. Les dirigeants des réseaux d'agriculteurs ont soigneusement étudié les résultats de l'enquête et les ont utilisés pour approfondir leur compréhension de l'impact de la pandémie sur leurs membres, ainsi que pour évaluer les moyens de renforcer leur résilience.

De toute évidence, des réseaux d'agriculteurs bien ancrés dans leur communauté et aptes à utiliser des données peuvent être utilisés non seulement pour suivre l'impact des chocs économiques, climatiques ou biologiques, tels que COVID-19, sur les communautés rurales, mais aussi comme outil pour les communautés elles-mêmes afin de faire face et de rebondir.

Pour en savoir plus sur cette étude, nous vous invitons à lire le rapport de RTI International "Senegal farmer networks respond to COVID-19".

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Madiw BALDE , Laboratoire SERGe, université Gaston Berger de Saint-Louis , SÉNÉGAL
24 juillet 2021

Salut! Merci pour votre article. Puis-je avoir l'article par mail ???
Vous remerciant à l'avance, merci de recevoir mes meilleures salutations.

Anouch Camille Bezelgues
27 juillet 2021

Bonjour, nous ne pouvons pas vous transmettre l'article par email mais vous pouvez toutefois le télécharger sur votre ordinateur.

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