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Finance et microfinance islamiques

Spécificités, portée et ressources récentes

Définition et différence avec la finance contemporaine

La finance islamique est basée sur les principes de la Charia, dont la caractéristique financière la plus importante, à côté de la finalité matérielle, l’activité l’investissement et l’interdiction d’exploitation contractuelle, est l’interdiction de donner ou de recevoir un taux de rendement fixe ou prédéterminé sur une transaction financière. Ceci découle des principes selon lesquels l’argent n’a pas de valeur intrinsèque et que les risques doivent être partagés par les deux parties. La finance islamique associe le taux d’intérêt à l’usure (riba). Mais cette interprétation diverge selon les coutumes des différentes communautés et pays.

Le principe des transactions islamiques est qu’un cycle financier doit correspondre à un cycle productif de biens ou de services. Le partage des risques, des pertes et des profits par le client et la banque islamique prévaut. Toutes les modalités de la transaction doivent être spécifiées dans un contrat, connu des deux parties, en toute transparence.

Sur le marché de la finance islamique se côtoient banques islamiques et enseignes bancaires occidentales, soit à travers des filiales, des guichets islamiques ou des produits financiers islamiques (voir par exemple HSBC ou Barclays). Il existe aussi un indice Dow Jones du marché islamique.

La finance islamique en quelques chiffres :

  • 500,5 milliards d’actifs
  • environ 250 organismes de placements collectifs islamiques
  • environ 600 institutions financières islamiques, dont plus de la moitié des banques
  • croissance de l’industrie 15% à 20% par an

(sources : CGAP, Focus Note 49, 2009)

Les produits de la finance islamique : rappel

Dans les opérations commerciales, on peut citer quatre exemples pratiqués par les banques et les sociétés de placement :

1. La mourabaha ou vente à bénéfices :
La banque achète les marchandises ou les matériaux à des fournisseurs sur ordre d’un client pour les revendre à ce dernier avec une marge de bénéfice fixée à l’avance. Le délai de remboursement dépend du cash flow et peut aller de trois à dix huit mois. Le contrat contient des indications sur la marchandise, les délais et le lieu de livraison. Trois opérations sont simultanées : une promesse d’achat du client, une promesse de vente à la banque, un contrat de vente à bénéfices après l’entrée en jouissance de la marchandise par l’acheteur. La banque paye donc le fournisseur et se fait rembourser par le client.

2. L’ijara ou commission :
C’est une forme de crédit bail ou de leasing. La banque achète les équipements, terrains, immeubles, véhicules. Elle les loue au client. Ce dernier devient propriétaire des biens quand il a fini de rembourser des sommes qui sont échelonnées dans le temps et versées à un compte épargne. Le client paye donc une location à échéance fixe décidée à la signature du contrat. En fait, le client assume la totalité des risques, charges des biens en location, entretien, échéances, sauf s’il est défaillant. Il dispose en général d’une option d‘achat, pendant la durée du contrat.

3. Le taajir :
Location ou leasing, cet instrument consiste pour la banque à acheter équipements et matériaux et à les mettre à la disposition d’un entrepreneur moyennant une rémunération fixée à l’avance. Ce dernier devient propriétaire des matériaux et des équipements au terme des échéances de remboursement.

4. Le bai mouajjal, vente reportée :
La banque achète des équipements ou des matériaux pour les revendre à terme au co-contractant selon des modalités fixées au préalable dans un contrat à moyen terme, de deux à quatre ans. Par exemple, dans les opérations d’exportations-importations, la banque peut acheter des marchandises à un importateur pour les revendre à un exportateur ou le contraire, contre une rémunération à un terme fixé à l’avance.

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Les opérations d’investissement intéressent davantage le crédit à moyen et long terme :

1. La moucharaka :
Il s’agit de la prise de participation d’une banque au capital d’un projet chaque partie recevant annuellement une part de bénéfices proportionnelle à son apport. La banque intervient dans la formation du capital d’entreprises existantes ou à créer et dans la gestion des projets en étant représentée au conseil d’administration. Dans la moucharaka définitive, le montant de la participation et la part des bénéfices sont déterminées au préalable. La moucharaka peut être dégressive. La banque s’engage à financer en totalité ou en partie un projet jugé rentable. Elle reçoit une part de bénéfice et le partenaire a le droit de rembourser en totalité ou en partie la somme investie par la banque. L’opération s’achève quand le partenaire a remboursé en totalité la créance de la banque et conserve seul la maîtrise du projet.

2. La moudaraba :
Financement de fiducie, il est une contribution au fonds de roulement. L’opération consiste pour la banque à participer à un projet par un apport de capital. De son coté, le promoteur fournit son travail, son savoir-faire et peut faire également un apport en capital. Le projet doit présenter à l’origine des conditions de rentabilité. Les bénéfices se répartissent selon des proportions déterminées lors de la conclusion de la moudaraba. Il s’agit d’une forme de capital risque.

3. Le sukuk :
 Produit obligataire islamique qui est à la finance islamique ce que les Asset Backed Securities (ABS) sont à la finance conventionnelle. Il a une échéance fixée d'avance et est adossé à un actif permettant de rémunérer le placement en contournant le principe de l'intérêt. Les sukuk sont structurés de telle sorte que leurs détenteurs courent un risque de crédit et reçoivent une part de profit et non un intérêt fixe et commun défini à l’avance.

La microfinance islamique

La microfinance islamique a un fort potentiel d’expansion. Il est estimé que 72% de la population habitant dans des pays à majorité musulmane n’utilise pas des services financiers, car ceux-ci ne respectent pas les préceptes de la religion musulmane. Des personnes de croyance islamique utilisent des produits financiers conventionnels, mais diverses enquêtes montrent que si ces personnes avaient le choix d’utiliser des produits financiers compatibles avec les lois islamiques, ils préfèreraient se tourner vers ceux-ci.

L’Islam porte aussi comme objectif social de soutenir les plus vulnérables, ce qui est en ligne avec la mission sociale des institutions de microfinance.

A l’heure actuelle, la microfinance islamique est très concentrée dans quelques pays. L’Indonésie, le Bangladesh et l’Afghanistan représentent à eux seuls 80% de la population touchée par la finance islamique. Selon l’étude du CGAP, 300 000 clients sont touchés par la microfinance Islamique à travers 126 institutions opérant dans 14 pays et approximativement 80 000 clients touchés à travers un réseau de coopératives indonésiennes. Dans les pays islamiques, la microfinance islamique représente encore une part infime de la microfinance.

Les produits de la microfinance islamique

1. Micro-épargne :
Les dépôts des clients sont à considérer comme des investissements dans une institution financière. L’IMF va investir le dépôt en respectant les principes de l’Islam. Si le produit de dépôt est sous forme d’un moudaraba, les pertes et profits sont partagés par le client et l’IMF. Les dépôts peuvent aussi être organisés sous la forme de moucharaka ou de takaful.

2. Micro-crédit :
Une alternative au crédit conventionnel basé sur le taux d’intérêt sont les crédits basés sur le commerce ou sur le leasing qui permettent la propriété et/ou l’utilisation de biens et actifs physiques utiles pour mener une activité productive, le tout en remettant le paiement à des périodes futures. Par exemple : un micro-entrepreneur d’une l’IMF veut acheter un bien. Il approche une IMF islamique qui va acheter le bien à un prix P qui va être connu du client. L’IMF va revendre le bien au client à un prix P+M où M représentera le profit de la transaction. Le client va rembourser ce prix en une seule fois ou par tranches dans le futur.

3. Micro-leasing :
L’IMF permet à son client d’utiliser un actif qui lui appartient. Les risques restent au sein de l’IMF, contrairement à un leasing conventionnel (tous les dommages causés par voie non volontaire ou force majeure du client sont pris en charge par l’IMF, pour éviter que le leasing ne puisse être considéré comme une vente camouflée avec intérêt). Les flux de trésorerie sont ajustés de façon à ce que les coûts et les risques de l’IMF soient couverts. Les modalités du leasing sont déterminées à l’avance pour éviter toute spéculation.

4. Takaful :
Le takaful est une assurance mutuelle. Chaque personne participe à un fond qui est utilisé pour aider le groupe en cas de besoin, par exemple, décès, pertes agricoles, accidents etc. Les primes payées sont réinvesties pour éviter le mécanisme d’intérêts.

Acteurs de la microfinance islamique

  • Au Pakistan, Akhuwat (structure de finance islamique unique centrée sur la mosquée). 
  • Micro-assureurs en Indonésie : Allianz Life Indonesia, lire l'article sur MicroCapital
  • Adaptation du modèle Grameen en Malaisie : Amanah Ikhtiar Malaysia, consultez aussi le BIM consacré à cette institution. 

Création de l’Institut Français de Finance Islamique – IFFI
A l’occasion du 3ème Forum Français de la Finance Islamique, la Chambre de Commerce Franco-Arabe a annoncé le 2 décembre 2009 la création de l’Institut Français de Finance Islamique (IFFI) dont la vocation essentielle sera de promouvoir et d’accompagner l’essor de la finance islamique en France et dans le monde, en mobilisant son potentiel financier en faveur des PME et des collectivités territoriales.

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By ADA
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