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Derniers enseignements sur la distribution de produits de micro-assurance par les IMF

Vers un impact renforcé des IMF grâce à l’amélioration des modèles, des produits et des processus de microfinance
Les institutions de microfinance (IMF) peuvent être des distributeurs de micro-assurance efficaces. Sur 450 IMF passées en revue par une enquête, 70 % fournissent de l’assurance, et sur ces 70 %, environ la moitié propose une forme de couverture volontaire. Les conclusions de l’enquête montrent que les IMF ne se contentent plus de proposer uniquement de l’assurance-crédit. Cependant, l’évolution vers des produits et des modèles économiques plus complexes n’est pas sans présenter quelques difficultés.
 
Cette note, extraite du Microinsurance Paper n°18, formule dix recommandations clés pour aider les IMF à améliorer leur offre de micro-assurance :
 
Comprendre les besoins et les préférences du marché
 
La conception des produits doit être guidée par les besoins et les préférences du marché cible. Néanmoins, les IMF et les assureurs continuent à concevoir des produits qui leur conviennent à eux au lieu de développer des assurances adaptées au marché.
 
Afin d’évaluer les risques rencontrés par les clients (et par elle-même), une IMF peut commencer par examiner les principales causes des situations d’impayés. Le système d’information de la plupart des IMF contient déjà une quantité considérable d’informations exploitables pour développer une offre d’assurance. Les institutions qui se sont livrées à cet exercice se sont généralement aperçues que les remboursements en retard et les pertes sur crédits étaient souvent dus à des risques assurables.
 
Ainsi, lorsque l’IMF indienne rurale Kshetriya Gramin Financial Services a analysé pourquoi les emprunteurs femmes accusaient des retards de remboursement, elle s’est rendue compte qu’elle devait étendre son assurance-crédit pour inclure leurs époux. Les femmes étaient en effet dans l’incapacité de rembourser leur prêt en cas de décès de leur mari, non seulement parce qu’elles perdaient une importante source de revenus, mais aussi parce qu’elles n’avaient pas le droit de travailler pour des raisons culturelles.
 
Donner la priorité à l’épargne
 
La capacité d’une IMF à aider les pauvres dans la gestion des risques peut se trouver nettement améliorée si l’institution propose des services d’épargne à côté du crédit et de l’assurance. L’assurance couplée à l’épargne fournit une couverture plus pérenne que celle liée au crédit et s’adresse à un groupe cible potentiellement plus étendu. Elle est donc susceptible d’avoir plus d’impact. Les comptes d’épargne peuvent en outre représenter un moyen peu coûteux de collecter les primes et sont une composante efficace de la gestion des risques. Enfin, l’offre de produits d’épargne peut fournir une base solide à la vente d’assurance, les deux produits reposant sur la confiance des clients en l’institution financière.
 
Donner de la valeur aux couvertures obligatoires
 
Une assurance couvrant tous les emprunteurs ou tous les déposants d’une IMF est beaucoup plus abordable qu’une assurance volontaire vendue à titre individuel. Elle est également plus facile à administrer pour les IMF.
 
Mais l’IMF doit s’assurer que ses clients sont bien renseignés sur la couverture en question et en apprécient les prestations. Certaines IMF ont enregistré une hausse de la fidélisation des emprunteurs lorsqu’elles ont introduit une couverture obligatoire appréciée de ces derniers et certaines ont même attiré de nouveaux clients grâce à elle.
 
On peut augmenter la valeur pour les clients de l’assurance-crédit de la façon suivante :
  • en offrant des prestations supplémentaires en plus de l’annulation de la dette ;
  • en prolongeant la couverture au-delà de la durée du crédit ;
  • en assurant des personnes supplémentaires ;
  • en assurant des risques supplémentaires.
Développer de façon active la gamme de produits
 
Les IMF doivent développer les produits d’assurance qui correspondent à leur stratégie institutionnelle et à leurs activités principales. Le développement des produits peut commencer par s’orienter autour des produits obligatoires, puis évoluer vers les produits obligatoires-plus et les produits volontaires à mesure que les IMF renforcent leurs capacités internes. La couverture obligatoire constitue le point de départ logique. Le problème des produits obligatoires, cependant, est qu’il peut arriver qu’il n’y ait pas de réel effet de démonstration, à moins que cela n’ait été explicitement posé en objectif par l’institution.
 
Les IMF ont la possibilité de faire évoluer leurs offres vers des produits « obligatoires-plus ». En pareil cas, la couverture de base est obligatoire, mais le détenteur de la police peut acheter des prestations supplémentaires volontaires. Une assurance couplée au crédit peut ainsi proposer le paiement de frais d’hospitalisation ou couvrir le conjoint et les membres de la famille pour un coût supplémentaire. L’ajout de cette composante volontaire donne davantage de choix aux clients et incite le personnel de terrain à prendre une part plus active dans l’éducation à l’assurance et dans la vente des produits. L’expérience acquise dans la vente d’options volontaires peut ouvrir la voie à l’offre de produits entièrement volontaires aux clients actuels et potentiels.
 
Avant d’étendre les ventes de produits, il est essentiel de les tester afin de valider leur conception et de rationaliser les processus opérationnels. L’IMF jordanienne Microfund for Women (MFW) s’est servie de son pilote pour valider et améliorer la conception, les processus administratifs et les supports promotionnels de Caregiver, un produit de paiement de frais d’hospitalisation.
 
Améliorer le traitement des demandes d’indemnisation
 
Le traitement des demandes d’indemnisation est sans doute l’aspect le plus important des opérations de micro-assurance, car c’est celui qui offre la meilleure chance d’apporter la preuve de la valeur de l’assurance.
 
Celle-ci repose sur la confiance entre les clients et les assureurs : si les demandes d’indemnisation ne sont pas correctement traitées, les clients perdent confiance dans l’assurance. Que l’IMF soit le porteur de risque ou assure l’interface entre le client et l’assureur, il est important qu’elle œuvre en faveur d’un processus permettant de traiter les demandes avec efficacité et prudence et de façon à maximiser la valeur pour le client. Les IMF jouent généralement un rôle actif dans le traitement des demandes d’indemnisation et s’impliquent le plus souvent en aidant ces derniers à remplir les formulaires et à réunir les documents nécessaires. Leur réputation étant en jeu, certaines IMF sont allées plus loin en demandant aux assureurs de leur déléguer la responsabilité de vérifier les demandes d’indemnisation, de les approuver ou d’effectuer des versements.
 
Adopter une gestion holistique des risques
 
Afin d’étendre l’impact potentiel de l’assurance, il est nécessaire de pratiquer une analyse holistique des besoins des clients en matière de gestion des risques et de concevoir un panier de services financiers et non financiers qui réponde à ces besoins. Un cadre de gestion des risques inclut la prévention des risques, la préparation aux risques et leur gestion lorsqu’ils se concrétisent. L’assurance ne constitue qu’un aspect de cette approche élargie.
 
Créer un effet de démonstration
 
Les IMF doivent s’efforcer de créer une culture qui incite les ménages à faibles revenus à considérer spontanément l’assurance comme s’intégrant dans leur stratégie de gestion des risques. Pour y parvenir, elles doivent s’assurer que les pauvres puissent constater l’efficacité de l’assurance. Elles peuvent par exemple offrir des produits simples à comprendre, veiller à ce que les procédures de demandes d’indemnisation restent claires, réduire au maximum les rejets de demandes, utiliser des supports marketing illustrés par des témoignages et organiser des démonstrations en lien avec les demandes d’indemnisation.
 
Structurer le succès
 
Les IMF disposent d’une gamme de solutions institutionnelles pour fournir de la micro-assurance, parmi lesquelles plusieurs modèles mixtes. Le modèle partenaire-agent fonctionne généralement bien au début, lorsque les IMF mettent en place une forme de culture de l’assurance et qu’elles renforcent leurs capacités en interne. Afin d’accroître les prestations proposées aux clients, les IMF ajoutent parfois des prestations supplémentaires à ce qu’elles offrent avec l’assureur partenaire. Les courtiers peuvent être utiles aux IMF qui souhaitent proposer des produits plus complexes.
 
Renforcer les capacités en matière d’assurance
 
Qu’une IMF assure seule les prestations d’assurance, qu’elle noue un partenariat avec une société d’assurance ou qu’elle travaille avec un courtier, elle doit dans tous les cas améliorer la capacité de son personnel à assurer un certain nombre de fonctions liées à l’assurance, parmi lesquels le marketing et les ventes, la gestion des demandes d’indemnisation et le suivi de la performance. Les IMF donnent souvent la priorité à l’éducation des consommateurs, mais elles devraient sans doute mettre l’accent sur celle de leur personnel.
 
Ainsi, pour le personnel d’une IMF, la meilleure incitation à la vente est peut-être de percevoir le lien fort entre son activité principale et l’assurance. Lorsque la rémunération est conditionnée au remboursement des prêts et que l’assurance permet de meilleurs remboursements en protégeant les clients contre des risques pertinents, le personnel voit clairement son intérêt à vendre de l’assurance. Certaines IMF telles que Fundación Mundial de la Mujer bucaramanga, en Colombie, soulignent auprès de leurs agents de crédit les avantages supplémentaires que peut procurer l’assurance : baisse du nombre de défauts de remboursement des prêts par les clients qui sont assurés, clients plus stables financièrement donc susceptibles d’emprunter davantage, et plus satisfaits donc plus faciles à fidéliser sur un marché concurrentiel (McCord, 2011).
 
Assurer le suivi de la performance
 
Les IMF doivent assurer le suivi de la performance de leurs produits d’assurance et évaluer leur impact à la fois sur leurs opérations principales et sur leurs clients. Elles doivent déterminer si les revenus tirés d’un produit suffisent à en couvrir les coûts, or ce n’est possible que si les coûts sont correctement affectés aux différentes activités.
 
Outre le suivi de la viabilité, un certain nombre d’autres raisons justifient que les IMF observent de près les indicateurs de performance de l’assurance :
  • pour assurer le suivi de la valeur pour le client : il y a plusieurs dimensions à cette dernière et de petits changements peuvent singulièrement modifier la façon dont les clients perçoivent l’assurance. Les IMF doivent donc analyser les effets de leurs produits et les modifier en se plaçant du point de vue du client.
  • pour assurer la rentabilité des produits : la micro-assurance contribue à diversifier le flux de revenus de l’IMF grâce aux commissions et frais perçus et au partage des profits. Un portefeuille de produits diversifié offre des possibilités de vente croisée et répartit le coût d’acquisition des clients sur plusieurs produits, ce qui augmente leur rentabilité. C’est en tout cas ce que certains attendent de la micro-assurance. Pour vérifier qu’elle a bien cet effet positif, il faut assurer le suivi des revenus et dépenses.
  • pour évaluer la fidélisation de la clientèle : l’assurance peut aider les IMF à conserver leurs clients existants et à en attirer de nouveaux. Les IMF peuvent le vérifier au moyen d’entretiens lors du départ des clients ou d’enquêtes de satisfaction menées auprès de ces derniers.
  • pour se doter d’arguments utiles à la négociation avec les assureurs: une compréhension approfondie de la performance de leurs produits permet aux IMF de négocier des conditions plus favorables avec les assureurs dans le cas où les produits donnent satisfaction.
L’ajout d’une offre d’assurance présente un grand nombre de défis opérationnels pour les IMF, parmi lesquels la structuration des responsabilités du personnel de terrain, le passage à des couvertures non obligatoires et l’incitation à la vente. Le défi le plus important reste sans doute la rationalisation du traitement des demandes d’indemnisation afin que les pauvres perçoivent facilement les réels avantages de l’assurance. En faisant preuve d’efficacité, les IMF peuvent jeter les bases d’une culture de l’assurance au sein des communautés à faibles revenus et permettre aux populations démunies d’améliorer leurgestion des risques.
 
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