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Impact et résultats : retour sur la Semaine européenne de la microfinance 2012

Zoom sur le lien entre microfinance et sécurité alimentaire et autres thèmes phares de l’édition 2012
Efficacité, résultats et impact : la question de l’impact réel des interventions de microfinance sur les populations et de l’efficacité des résultats a été au cœur des discussions de la semaine européenne 2012. Produire des effets concrets sur la vie des populations des pays en développement est l’axe thématique central autour duquel se sont organisées les différentes discussions.
 
Il n’est donc pas étonnant de voir traiter particulièrement le lien entre la microfinance et d’autres domaines essentiels de l’aide au développement : sécurité alimentaire, énergie, travail décent, micro-assurance. La protection des clients fait l’objet de plusieurs sessions, depuis son lien avec la performance financière jusqu’aux problématiques de réglementation associées, en passant par les bonnes pratiques de la transparence des IMF.
 
Grande pauvreté, jeunes, zones enclavées, régions en crise, les segments et les contextes les plus défavorisés font l’objet de discussions sur l’adaptation des modèles et l’efficacité des approches ciblées. C’est aussi l’occasion de prendre un peu de recul sur les résultats des expériences de banque à distance. Les formes institutionnelles sont également étudiées : résilience, défis et enjeux du modèle coopératif sont abordés dans plusieurs sessions et une autre traite de la transformation des ONG en institutions réglementées. L’efficacité des actions est par ailleurs interrogée à travers la question de la coordination de l’aide des bailleurs de fonds.
 
Nous proposons ici un aperçu des discussions autour de la sécurité alimentaire et de l’implication de la microfinance dans d’autres dimensions du développement des populations pauvres.
 
Sécurité alimentaire
Finance rurale et renforcement des filières
Comment la sécurité alimentaire se relie-t-elle à la microfinance ? Dans l’atelier sur le thème « Investissement en microfinance ciblé sur la promotion de la sécurité alimentaire », les panélistes s’entendent pour dire que la microfinance n’est pas la solution principale, mais qu’elle peut aider à sécuriser les revenus - l’instabilité et l’insuffisance de revenus étant une des causes de l’insécurité alimentaire. Celle-ci s’analyse selon trois dimensions : disponibilité, accès et utilisation. La microfinance doit donc faire partie d’une approche globale. Dans cette session, les discussions ont beaucoup porté sur la finance rurale et plus particulièrement sur le financement des petits paysans. Il a aussi été question du rôle des investisseurs et bailleurs dans le renforcement des filières.
 
Le rôle des coopératives
C’est également sur le financement des petits producteurs qu’était principalement axée la session sur le thème « Coopératives financières et sécurité alimentaire ». L’action de trois coopératives financières a été présentée : EBO SACCO en Ouganda, El Ejido en Equateur et Creditflorida au Pérou. Toutes proposent des services financiers adaptés, mais leur action va plus loin pour soutenir les conditions de production et de vie des ménages ruraux. La première promeut l’amélioration des pratiques de production et des comportements de nutrition. La troisième accompagne ses services financiers de services techniques, notamment dans l’optique d’aider les ménages à surmonter la dépendance à la monoculture du café.
 
La question clé des alliances
Lors de la session consacrée au 4ème Prix européen (voir encadré), les intervenants ont rappelé la complexité de la question de la sécurité alimentaire et souligné que les IMF devaient former des alliances stratégiques pour proposer plus que des produits. Parmi les exemples d’initiatives de microfinance contribuant à la sécurité alimentaire ont été cités : l’amélioration de la production, de la productivité et de la diversification agricoles, la promotion de la qualité de l’alimentation, le soutien à la transformation alimentaire, l’appui à la commercialisation et au stockage des produits alimentaires, la réduction des pertes post-récolte et la promotion de la culture biologique.
 
4ème Prix européen de la microfinance : « Microfinance pour la sécurité alimentaire »
Le Prix remis à l’occasion de la Semaine européenne de la microfinance 2012 récompensait des initiatives de microfinance contribuant à améliorer l’offre de produits alimentaires de qualité et les conditions de distribution de ces produits dans les pays en développement.
La récompense a été décernée à l’IMF ASKI (Philippines) pour un produit de crédit destiné aux petits paysans, conçu en 2004 et représentant aujourd’hui 41% de son portefeuille. Ce produit « global » soutient la production, l’acquisition de matériel agricole (pompes à eau et séchoirs solaires), le développement des infrastructures (construction de ponts), l’offre de formation et d’autres solutions encore pour les entreprises agricoles.
 
Les deux autres finalistes étaient Banco FIE (Bolivie) et Kompanion, une IMF du Kyrgyzstan. 
 
Voir aussi
 
« Microfinance + » au service de l’impact multidimensionnel
La question du lien entre microfinance et actions ou services relevant d’autres champs du développement est étroitement associée à celle de l’impact sur la pauvreté dès lors qu’on estime que la pauvreté est multidimensionnelle.
 
Programmes intensifs contre l’extrême pauvreté
Le modèle dit « de progression » (« graduation model ») repose exactement sur ce postulat. Les résultats du programme CGAP-Ford Foundation consistant à sortir les personnes démunies de l’extrême pauvreté par un soutien séquentiel (soutien à la consommation, éducation financière, épargne, renforcement de capacités, puis transfert d’actifs) ont été présentés lors d’une session spécifique. Dix pilotes ont été lancés dans huit pays. A l’issue du programme les participants doivent être sortis de l’extrême pauvreté, avoir gagné un accès au crédit et à des moyens de subsistance durables. Les partenariats sur le terrain (avec des fournisseurs de moyens d’existence, de services financiers, de santé, etc.) s’avèrent essentiels.
 
Les résultats préliminaires sont prometteurs, notamment en termes d’augmentation des actifs et de l’auto-emploi, d’amélioration de la sécurité alimentaire et de la consommation non alimentaire. Mais ils sont variables d’un site à un autre, sans que la cause en soit très claire. Les discussions ont beaucoup porté sur le coût de ce type de programme, assez élevé mais également très variable (de 330 à 1 900 USD par bénéficiaire selon les sites).
 
Implication des IMF dans la promotion du « travail décent »
Le lien entre la microfinance et l’initiative globale de l’OIT pour l’amélioration des conditions de travail a fait l’objet d’une session axée sur les innovations visant à promouvoir le « travail décent » parmi les clients d’IMF. Après une identification des problématiques existantes comme le travail des enfants, la sécurité et la santé au travail, la formalisation des activités ou la création d’emploi, un certain nombre d’innovations ont été mises en œuvre.
 
Celles-ci vont de la sensibilisation et de la formation des clients à la conception de produits spécifiques, de crédit ou autre, visant l’amélioration concrète des conditions de travail. L’offre de micro-assurance a par exemple permis de réduire la prévalence du travail des enfants. L’aide à la formalisation des activités informelles a eu pour effet d’améliorer l’accès des clients aux services publics, la couverture sociale et l’utilisation des services financiers et d’augmenter les revenus. Ces interventions ne vont pas sans difficultés cependant, notamment liées à la transmission de nouveaux concepts aux clients et au personnel de l’IMF, au délai d’assimilation des innovations et à la juste estimation des moyens financiers nécessaires au marketing et à la sensibilisation.
 
L’offre de produits de micro-assurance par les IMF
D’après une étude récente, les IMF représentent encore 30% des canaux de distribution de la micro-assurance. Deux IMF et une association de microfinance ont présenté leur expérience durant la session « Pourquoi la micro-assurance ? Incitations et premiers résultats ».
 
L’IMF pakistanaise NRSP a développé un partenariat avec une compagnie d’assurance nationale pour introduire un produit d’assurance obligatoire pour ses clients. Le produit couvre les risques d’hospitalisation, d’invalidité et de décès accidentel pour l’emprunteur et son conjoint. Aux Philippines, ASKI, à qui la réglementation n’autorisait pas d’offrir de l’assurance en tant qu’IMF, a créé une MBA (Mutual Benefit Association) offrant principalement des produits d’assurance crédit et d’assurance vie. Plus récemment, un programme d’assurance santé a été introduit en partenariat avec une agence gouvernementale. Un réseau de MBA a été établi dans le pays, avec un centre de ressource technique au niveau régional. Le réseau REDCAMIF d’Amérique centrale a quant à lui développé un business model commun en partenariat avec ses IMF membres et des compagnies d’assurance régionales.
 
Un certain nombre d’enseignements, notamment sur les éléments clés de succès, ont été rappelés par les participants : éducation des clients et du personnel, simplicité des produits et des processus d’indemnisation, limitation des exclusions, systèmes d’information solides, entre autres.
 
La microfinance contre la pauvreté énergétique
Lutte contre la pauvreté énergétique et promotion des énergies vertes sont les deux axes qui ont structuré la discussion sur le lien entre microfinance et énergie dans une session regroupant chercheurs et opérateurs. Un nombre significatif d’IMF seraient intéressées par ces problématiques, principalement dans un objectif concurrentiel. Au Pérou, les clients qui ont contracté le produit de crédit énergie de l’IMF Fondesurco étaient en majorité des nouveaux clients.
 
Les premiers résultats des expériences au Pérou montrent que les clients font des économies sur les postes énergétiques et constatent des effets indirects (par exemple sur la santé du fait de l’utilisation d’eau chaude). Spécialisation, renforcement de compétences et bonne sélection des partenaires techniques sont essentiels. Des facteurs politiques (subventions, réglementations) et le partage des responsabilités (conditions de garantie, services de support, etc.) rendre ce type d’offre compliqué.
 
Ce coup de projecteur a été rédigé à partir de : 
Site Internet de la Plateforme européenne de la microfinance : www.e-mfp.eu
 
La prochaine édition de la Semaine européenne de la microfinance se déroulera du 12 au 14 novembre 2013.

 

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