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La finance inclusive comme réponse à la crise alimentaire et climatique en Afrique

Trois agricultrices préparent un champs au Rwanda.
Les organisateurs de la SAM (Semaine africaine de la microfinance) ont mis en place un webinaire dans le cadre de la Semaine de l'inclusion financière, qui a eu lieu en octobre 2022 à l’initiative du Center for Financial Inclusion. Cet article revient sur les conclusions tirées par le panel.

L'objectif de cette session consistait à passer en revue les stratégies utilisées par les acteurs de la finance inclusive en réponse aux problématiques du secteur agricole, qui est le plus touché par les changements climatiques et reste l'un des moins financés, en raison de son haut risque perçu par les investisseurs.

Le panel était composé de trois experts du secteur : Jacques Afetor, directeur exécutif d'Assilassimé Solidarité, une IMF togolaise, Nadia Ouriemchi, chargée de programme au sein de l'ONG luxembourgeoise ADA, et Emmanuel Vuillod, chargé des partenariats à la SIDI, un investisseur français et partenaire actif de l'initiative « Smallholder Safety Net Upscaling Programme (SSNUP) », destinée à accroître la productivité et la résilience des petits exploitants agricoles. Le panel a été modéré par Renée Chao-Beroff, directrice générale de Pamiga Finance, réseau d’IMF en Afrique de l’Ouest.

Un accompagnement vers des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement

L’environnement agricole est très exposé aux aléas climatiques qui engendrent des effets néfastes sur les cultures, comme des sécheresses, des inondations ou des épidémies liées à la hausse des températures. Afin de protéger leurs récoltes, les petits exploitants ont recours à des herbicides et des produits chimiques qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé des producteurs et la biodiversité s’ils sont mal maîtrisés. Les panélistes ont alors expliqué comment ils répondent à cette problématique. L’IMF Assilassimé s’est associée avec des fournisseurs d'intrants biologiques afin que ses clients puissent utiliser des fertiliseurs et pesticides respectueux de l'environnement. La SIDI, quant à elle, finance de jeunes producteurs africains pour qu'ils puissent se fournir en intrants biologiques.

Par ailleurs, Assilassimé, dont le portefeuille est constitué à 92% de femmes, a évoqué l’impact plus important des changements climatiques subis par les femmes qui doivent parcourir de plus longues distances pour trouver de l’eau et qui sont davantage exposées aux risques sanitaires en milieu rural. Il est donc important d’intégrer une dimension genrée dans les interventions et les investissements agricoles afin de pallier à ces inégalités.

Parmi les solutions pour réduire les risques et s’adapter aux changements climatiques, Assilassimé préconise aux agriculteurs de diversifier leurs productions agricoles ainsi que leurs activités génératrices de revenus en général. Par exemple, un cultivateur de maïs peut se lancer dans l'élevage de bovins, quand un autre agriculteur peut se tourner vers la culture du farro ou du fonio, céréales adaptées aux sécheresses.

Le représentant de la SIDI a rappelé que les investisseurs s’intéressaient aux pratiques agricoles durables, comme c’est le cas avec l’initiative SSNUP. Au Burkina Faso, la SIDI a orienté les agriculteurs partenaires vers la culture de pommes de terre biologiques grâce à des subventions qui ont permis d’accompagner les producteurs dans cette transition.

Les panélistes ont également reconnu le rôle important de l’énergie renouvelable dans le secteur agricole à travers l’utilisation, par exemple, de pompes solaires qui permettent de concilier une réduction des coûts de production avec des pratiques respectueuses de l’environnement. Il est fondamental de comprendre les freins à leur adoption dans le milieu rural et de trouver les solutions pour la mise à l’échelle.

Valoriser le secteur agricole et mettre le producteur au centre des solutions

Les jeunes ruraux considèrent l’agriculture comme un secteur précaire, à forte pénibilité et sans débouchés économiques stables, ce qui entraine un exode rural important. ADA et ses partenaires africains élaborent des solutions centrées sur le client pour promouvoir les circuits courts et la production locale par les jeunes entrepreneurs, comme l’initiative YES-FI (Young Entrepreneurs Sustainable Financing Initiative). Ce dispositif, à travers un partenariat entre une institution financière et un incubateur, propose aux PME agricoles un accès au financement à travers des prêts de longue durée et des remboursements basés sur les chiffres d’affaires de leurs entreprises. Ce financement est envisageable grâce à un accompagnement de la jeune PME par un incubateur local qui lui permet de renforcer ses capacités techniques (formations en agroécologie) et entrepreneuriales (marketing, plans d’affaires), afin d’être préparé et éligible au financement.  

Dans les programmes de ADA, les besoins des petits exploitants agricoles sont au centre de nos préoccupations. Une approche holistique est préconisée pour faciliter leur accès au savoir, au financement et au marché en ayant recours aux technologies digitales lorsque cela s’avère pertinent. 

Nadia Ouriemchi, chargée de programme ADA

Le digital : un outil essentiel

ADA encourage également les exportateurs à s'approvisionner davantage auprès des petits exploitants agricoles. A titre d’exemple, l'entreprise burkinabè Green Hope, partenaire de ADA, a mis en place une plateforme en ligne afin de faciliter l’accès en intrants bios pour les petits producteurs. ADA soutient l'entreprise en digitalisant ses formations afin d’accompagner les agriculteurs dans l’adoption de normes de qualité exigées par Green Hope.

Les plateformes numériques et les outils digitaux ont un rôle clé à jouer pour développer les services dont ont besoin les agriculteurs, et ce à des prix abordables : accès à l’information pour faire des choix judicieux quant à la sélection des semences, la période de plantation et de récolte, ainsi que dans la négociation des prix après la récolte. D'autres exemples de services digitaux ont été évoqués, comme les solutions d'assurance indicielle développées par des insurtechs qui assurent les risques liés à l’élevage au Sénégal, ainsi que plusieurs entreprises de commerce électronique dirigées par des jeunes actifs dans le secteur alimentaire. Afin que ces services fonctionnent, il est essentiel qu’ils soient centrés sur le client et accessibles aux populations mal desservies.

Dans l'ensemble, les panélistes estiment que les crises récentes ont davantage contribué à exacerber les défis existants qu'à en créer de nouveaux. Ces défis, mais également les opportunités qui en découlent, ne sont que quelques-uns des nombreux aspects que nous vous invitons à explorer au cours de la prochaine SAM, qui se tiendra du 16 au 20 octobre 2023 à Lomé au Togo.

 

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